A propos de "Les cinq caractéristiques de l’Impérialisme" :
http://mai68.org/spip2/spip.php?article14393
Excellent rappel de ce que fut cette étape décisive de formation de l’impérialisme moderne.
Mais si on ne peut évidemment pas comprendre la situation actuelle sans étudier l’historique de l’évolution de la société industrielle moderne, il faut néanmoins bien comprendre qu'il s'agit d'un phénomène humain dialectique qui ne s’est donc pas plus arrêté à ce stade impérialiste de 1916 qu’il ne s’est arrêté au stade du capitalisme industriel de la première révolution industrielle !
Déjà, pour comprendre Marx il faut replacer son œuvre, et notamment le Livre I du Capital, dans le contexte économique qui est le sien : la toute première révolution industrielle, celle du stade capitaliste industriel qui repose sur le développement du moteur à vapeur, que ce soit pour la mise en mouvement des machines industrielles et donc de toutes les lignes de production, ou pour le transport des marchandises et des personnes, par rail et par mer, tandis que la communication internationale n’en est encore qu’à l’établissement et au perfectionnement du télégraphe électrique, seule et unique application « industrielle » de l’électricité jusqu’à la mort de Marx ! Même l’éclairage public de l’époque ne connaît encore, dans les cas « favorisés », que la lueur du gaz !
Entre l’œuvre de Marx et celle de Lénine il y a donc déjà l’aboutissement d’une deuxième révolution industrielle, qui n’était que balbutiante à la mort de Marx, et dont la prospective n’est donc pas réellement prise en compte dans le Livre I du Capital, son seul ouvrage complet et achevé sur l’analyse de la première révolution industrielle.
Le petit bouquin de Lénine sur l’impérialisme reste donc une autre étape essentielle de l’analyse du développement de la société industrielle, mais il est évidemment particulièrement dogmatique et puéril de penser que ce développement s’est peu ou prou « figé » à ce stade, il y a déjà plus d’un siècle !!!
Vouloir analyser la situation actuelle essentiellement à partir des critères d’analyse qui sont ceux de l’évolution du système économique de domination de classe d’il y a plus d’un siècle ne fait donc pas réellement sens et amène nécessairement à des « conclusions » dogmatiques et puériles.
C’est typiquement ce que l’on voit avec les « notes de lecture » citées en fin d’article, au nom de M. « Constantin Lopez (agrégé de sciences économiques et sociales.) » (sic), qui propose avec cette approche prétendument « heuristique » d’« analyser la situation de l’Union européenne, qui semble à bien des égards à la fois un produit et un instrument des monopoles. », d’où il déduit que selon lui « Le cas grec a ainsi montré de façon éloquente comment l’oligarchie financière, par le biais de la Commission européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne, pouvait saigner impitoyablement un pays pour garantir le remboursement de quelques mastodontes bancaires français et allemands. »
Alors qu’en réalité, entre la formation de l’Union Européenne dans le dernier tiers du XXe siècle et la « Crise Grecque » postérieure à la crise mondiale de 2007-2008 il y a encore passage de plusieurs stades de l’évolution de la société industrielle moderne, déjà très différente, au sortir de la seconde guerre mondiale, de ce qu’elle était à l’époque de Lénine.
Si le résultat de tout ça a bien été, entre autres « saignements », le « saignement impitoyable » de la nation grecque, force est de constater que ce « saignement » a été le prototype de l’établissement du système « Quantitative Easing » en Europe, version européenne, donc, du Quantitative Easing Japonais et US, et qu’il s’agit bien de continuer à faire tenir debout l’ensemble du système monétaire européen, sous la férule de la Banque Centrale Européenne, à l’image de la Fed US, et non pas particulièrement de « garantir le remboursement de quelques mastodontes bancaires français et allemands. » à la mode des années 20 du siècle passé.
Au XXIe siècle, et singulièrement, depuis la crise de 2007-2008, les consortiums bancaires et les monopoles « multinationaux » eux-mêmes ne survivent plus que par la « grâce » des politiques monétaires des Banques Centrales, qui font la pluie et le beau temps dans leurs rangs, comme on l’a vu notamment avec la « remise en ligne » de Zuckerberg concernant son projet monétaire « Libra ».
Autre biais de prospective « paradoxal », Lénine entrevoyait nettement, à travers le phénomène monopoliste, la disparition du capital « fictif » boursier :
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Le remplacement du vieux capitalisme, où régnait la libre concurrence, par un nouveau où règne le monopole, entraîne, notamment, une diminution de l’importance de la Bourse. La revue Die Bank écrit : "La Bourse a depuis longtemps cessé d’être l’intermédiaire indispensable des échanges qu’elle était autrefois, lorsque les banques ne pouvaient pas encore placer parmi leurs clients la plupart des valeurs émises."
"Toute banque est une Bourse" : cet aphorisme moderne contient d’autant plus de vérité que la banque est plus importante et que la concentration fait de plus grands progrès dans les opérations bancaires".
"Si autrefois la Bourse, après 1870, avec ses excès de jeunesse" (allusion "délicate" au krach boursier de 1873, aux scandales de la Grunderzeit, etc.), "avait inauguré l’époque de l’industrialisation de l’Allemagne, aujourd’hui les banques et l’industrie peuvent "se tirer d’affaire elles-mêmes". La domination de nos grandes banques sur la Bourse… n’est que l’expression de l’État industriel allemand pleinement organisé. Dès lors, si le domaine des lois économiques fonctionnant automatiquement s’en trouve rétréci et le domaine de la réglementation consciente par les banques grandement élargi, il s’ensuit que la responsabilité incombant en matière d’économie nationale à quelques dirigeants augmente dans de vastes proportions."
Voilà ce qu’écrit le professeur allemand Schulze-Gaevernitz, cet apologiste de l’impérialisme allemand qui fait autorité chez les impérialistes de tous les pays et qui s’applique à masquer un "détail", à savoir que cette "réglementation consciente" par l’entremise des banques consiste dans le dépouillement du public par une poignée de monopolistes "pleinement organisés". La tâche du professeur bourgeois n’est pas de mettre à nu tout le mécanisme et de divulguer tous les tripotages des monopolistes de la banque, mais de les présenter sous des dehors innocents.
De même Riesser, économiste et "financier" qui fait encore plus autorité, s’en tire avec des phrases à propos de faits qu’il est impossible de nier :
"La Bourse perd de plus en plus ce caractère absolument indispensable à l’économie tout entière et à la circulation des valeurs, qui en fait non seulement le plus précis des instruments de mesure, mais aussi un régulateur presque automatique des mouvements économiques convergeant vers elle."
En d’autres termes, l’ancien capitalisme, le capitalisme de la libre concurrence, avec ce régulateur absolument indispensable qu’était pour lui la Bourse, disparaît à jamais. Un nouveau capitalisme lui succède, qui comporte des éléments manifestes de transition, une sorte de mélange entre la libre concurrence et le monopole. Une question se pose d’elle-même : vers quoi tend cette "transition" que constitue le capitalisme moderne ? Mais cette question, les savants bourgeois ont peur de la poser. "Il y a trente ans, les employeurs engagés dans la libre concurrence accomplissaient les 9/10 de l’effort économique qui ne fait pas partie du travail manuel des "ouvriers". À l’heure présente, ce sont des fonctionnaires qui accomplissent les 9/10 de cet effort intellectuel dans l’économie. La banque est à la tête de cette évolution." Cet aveu de Schulze-Gaevernitz nous ramène une fois de plus à la question de savoir vers quoi tend ce phénomène transitoire que constitue le capitalisme moderne, parvenu à son stade impérialiste.
https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/vlimperi/imperialisme.pdf (pages 18-19)
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On ne peut pas, dans un seul post, reprendre toute l’analyse de l’évolution systémique du capitalisme jusqu’à la crise de 2007-2008 et le passage sous contrôle des cinq principales Banques Centrales (Fed, PBoC, BoE, BCE, BoJ) de la majeure partie de l’économie mondiale, mais la question posée par Lénine en 1916 concernant la disparition éventuelle du capital « fictif » sous la pression du capitalisme monopoliste doit néanmoins nous interpeller, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi cela ne s’est pas produit, et même bien au contraire, avec le développement quasi-exponentiel du capital « fictif » au tournant du XXIe siècle et jusqu’à sa survie, même si sous la férule des Banques Centrales, encore aujourd’hui !
Il y avait pourtant bien une cohérence et une logique discernable dans l’évolution monopolistique décrite par Lénine, et qui n’a pas forcément disparu totalement, comme le montre l’inféodation des marchés boursiers à la politique monétaire des banques centrales.
La suite de cette évolution peut notamment dépendre du développement et de l’extension des MNBC, les Monnaies Numériques de Banques Centrales, qui pourrait précisément aboutir au contrôle monopolistique direct de la production par les Banques Centrales, concrétisant ainsi par le biais de la dette, et non plus par le moyen du développement du capital, la prospective de Lénine !
La pseudo-« crise pandémique » de 2020-21 a ouvert un cycle de contrôle banco-centralisé des crises de la dette publique et privée, cycle presqu’aussitôt perturbé, voire même, remis en cause, par l’intrusion de l’ « Opération Spéciale » russe en Ukraine…
La suite de l’histoire n’est donc pas encore écrite, et son analyse prospective, si elle peut évidemment, et on ne peut même, plus utilement, puiser dans les classiques du ML, ne peut pas, pour autant, ressortir d’une lecture dogmatique et puérile de ceux-ci, quel que soit le « grade universitaire » de l’analyste… !
Enfin, autre extrapolation particulièrement « datée » de M. « Constantin Lopez (agrégé de sciences économiques et sociales.) », concernant le prétendu « embourgeoisement » du prolétariat industriel, comme explication de la pérennité, selon lui, de l’impérialisme.
Incontestablement, dans la période ascendante de l’impérialisme, et presque jusqu’à la fin du XXe siècle, les superprofits de l’impérialisme ont en partie servi, avec également les transferts de main d’œuvre en provenance des pays du tiers-monde, à maintenir debout le système capitaliste-impérialiste, mais avec le tournant d XXIe siècle, ce n’est plus d’embourgeoisement qu’il faut essentiellement parler, concernant le prolétariat industriel productif, mais bien d’un début significatif de quasi-disparition, comme on l’a notamment vu pour la région Ile de France où il ne représente plus que un peu plus de 1% de la population active ! (http://cieldefrance.eklablog.com/le-sens-retrouve-du-combat-social-en-france-a213299195)
Même si la situation n’est pas aussi extrême partout, c’est néanmoins une tendance irréversible et de plus en plus rapide, avec la diffusion sur toute la planète des technologies modernes de production automatisée.
L’emprise du banco-centralisme sur les régions du monde où cette tendance est la plus accentuée et la plus rapide ne doit donc évidemment rien au hasard et il est donc plus que temps que les prétendus analystes « de gauche », universitaires ou non, s’en avisent, à moins que le suicide collectif de la gauche française ne soit d’ores et déjà un choix délibérément assumé, ce qui semble bien être le cas, au vu de son incapacité quasi-totale à se mobiliser pour une cause aussi évidente que l’arrêt des livraisons d’armes au régime néonazi ukrainien précisément sponsorisé par le mondialisme banco-centraliste.
Luniterre
"Sans théorie révolutionnaire il ne peut y avoir de mouvement révolutionnaire"-V.I Lénine
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POUR ALLER PLUS LOIN SUR LE BANCO-CENTRALISME >>>
RÉCENT SUR LE SUJET >>>
Dette mondiale : "vilain canard"
http://cieldefrance.eklablog.com/dette-mondiale-vilain-canard-qui-n-en-a-pas-a213787605
BREXIT ??? 8 ans après, c’est la CITY qui contrôle plus que jamais les flux financiers en €uros !!!
Libérons la « BANQUE de FRANCE LIBRE » !
http://cieldefrance.eklablog.com/liberons-la-banque-de-france-libre-a213595395
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Sur le fond et le contexte de l’Affaire Juving-Brunet >>>
http://cieldefrance.eklablog.com/2023-guerre-ou-paix-a213646237
Fin de partie pour la "Banque de France Libre" ??? Les premières leçons évidentes d’un échec…
MISE AU POINT : EN BREF, CE QU’EST OU N’EST PAS LE BANCO-CENTRALISME…
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Banco-centralisme : Le sens retrouvé du combat social en France
http://cieldefrance.eklablog.com/le-sens-retrouve-du-combat-social-en-france-a213299195
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Dette banco-centralisée : quand c’est fini, ça recommence…!
http://cieldefrance.eklablog.com/dette-banco-centralisee-quand-c-est-fini-ca-recommence-a212959483
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Face au banco-centralisme : pleurnicher, rêver, ou agir ? Que faire ???
https://mai68.org/spip2/spip.php?article12242
https://mai68.org/spip2/spip.php?article12016
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https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/du-village-primitif-au-monopole-241522
La fin du capitalisme signifie-t-elle nécessairement la fin du système de domination de classe ?
http://mai68.org/spip2/spip.php?article11679
“Le Crime du Garagiste” – Le Casse Banco-centraliste !
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-crime-du-garagiste-le-casse-231389
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/merveilleux-monde-d-apres-un-225066
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