Par Claire Tervé 14/07/2024 20:35 Actualisé le 14/07/2024 20:36
ETATS-UNIS - Donald Trump a échappé de justesse à une tentative d’assassinat, lui laissant l’oreille droite ensanglantée samedi 13 juillet en plein meeting à Butler en Pennsylvanie. Mais au lendemain de cette choquante attaque, qui a fait un mort et deux blessés grave, les théories du complot fusent de tous les côtés sur les réseaux sociaux.
Comme le soulignent le New York Times et le Washington Post ce dimanche 14 juillet, à l’image de la binarité politique dans le pays, deux camps s’affrontent dans la sphère complotiste : celui qui pense que Joe Biden a essayé de faire tuer Donald Trump, et celui qui pense que Donald Trump est lui-même derrière sa propre attaque.
En effet, des questions ont commencé à émerger sur le dispositif de sécurité autour de l’ancien président, censé être l’une des personnalités les plus protégées au monde. De nombreux témoins ont déclaré avoir vu le suspect avant les tirs et avoir alerté la police de Butler. « Très franchement, je suis surpris qu’il ait pu monter sur ce toit et tirer », a déclaré dimanche le procureur du comté de Butler, Richard Goldinger, à la chaîne MSNBC. Le Secret Service a démenti dimanche avoir refusé des moyens supplémentaires pour assurer la sécurité de Donald Trump en amont du meeting.
« Joe Biden a envoyé les ordres »
À la lumière de ces incompréhensions, des élus républicains se sont mis à accuser le camp démocrate d’être à l’origine de cette tentative d’assassinat. Le sénateur J.D. Vance, un des colistiers putatifs de Donald Trump, a par exemple affirmé que la « rhétorique » de Joe Biden avait « conduit directement » à l’attaque. Le sénateur Tim Scott, que Trump a également mentionné comme colistier potentiel, a déclaré que la tentative avait été « aidée et encouragée par la gauche radicale et les médias d’entreprise ».
Dans l’idée d’une implication plus concrète, la représentante Marjorie Taylor Greene a écrit sur X que les démocrates « voulaient que Trump parte depuis des années et qu’ils étaient prêts à tout pour que cela se produise ». Le représentant Mike Collins a déclaré sur X que « Joe Biden a envoyé les ordres » et que celui-ci devrait ainsi être inculpé pour « incitation à l’assassinat ».
Du côté des anonymes, des amateurs de complot ont fait part sur les réseaux sociaux de leurs analyses, sans aucun fondement. Certains font mention d’une implication de l’obscure « Deep State » ou « État profond », qui désigne un État caché dans l’État, qui détiendrait le vrai pouvoir de décision et empêcherait Trump de redevenir président.
Sur TikTok, @theoldermillenial.1 a écrit à ses 1,2 million d’abonnés : « Je suppose que comme les affaires judiciaires ne se passaient pas si bien, ils ont décidé d’essayer une autre voie. Les gars, n’oubliez pas, c’est de cela que la gauche est capable. » Sur X, un anonyme théoricien du complot Shadow of Ezra, repéré par le Washington Post, a écrit que « l’État profond a tenté d’assassiner Donald Trump en direct à la télévision ». D’autres ont encore accusé des militants anti-fascistes.
Une « mise en scène » du camp Trump ?
De l’autre côté, l’idée d’une « mise en scène » de la part de Donald Trump ou ses partisans fait également son chemin dans le camp adverse. La stratégie : faire de Trump un héros, un martyr, et le propulser dans la course à la présidentielle.
Selon le Washington Post, des milliers de personnes ont retweeté des affirmations non fondées selon lesquelles les coups de feu proviendraient d’un pistolet à air comprimé. D’autres ont avancé que le sang sur son oreille proviendrait d’une capsule de faux sang, qu’il aurait étalée après s’être baissé précipitament.
« Personne dans la foule ne court ou ne panique. Personne dans la foule n’a entendu une véritable arme à feu. Je ne lui fais pas confiance. Je ne lui fais pas confiance », a avancé un internaute sur X, repéré par la BBC.
« C’est la chose la plus mise en scène que j’ai vue depuis longtemps », a écrit un utilisateur de X dans un message consulté 1,6 million de fois et repéré Wired. « Il sait qu’il va perdre les élections, alors il fait semblant et crie à la foule de se battre. »
Les experts appellent à la prudence
Dès les premiers messages complotistes, les experts en désinformation ont appelé à la prudence, avertissant le public de ne pas tirer de conclusions hâtives.
« Nous sommes sur le point de voir se répandre beaucoup de désinformation sur les auteurs de la fusillade, sur les auteurs de l’attentat et sur les événements qui ont conduit à ce moment », a écrit Roberta Braga, fondatrice du groupe de réflexion Digital Democracy Institute of the Americas, sur X.
« Les incidents de violence politique donnent lieu à des théories du complot et à des récits mensongers lorsque les gens tentent de détourner l’événement pour servir leurs propres intérêts », a déclaré au Washington Post Megan Squire, directrice adjointe de l’analyse des données au sein du projet de renseignement du Southern Poverty Law Center. « Cet incident n’est pas différent, les gens concoctent des complots sous fausse bannière et accusent même des personnes innocentes d’avoir commis ce crime ou de l’avoir inspiré. »
Dans une allocution ce dimanche soir, Joe Biden a appelé à ne « pas faire de spéculation » sur ce qu’il s’est passé.