• Recyclage: le "Marxisme Vert Thunbergien" de Kohei Saito, un révisionnisme de plus au secours du banco-centralisme

     

     

    Recyclage: le "Marxisme Vert Thunbergien" de Kohei Saito, un révisionnisme de plus au secours du banco-centralisme

     

     

     

                    Y a-t-il eu une "coupure épistémologique écologiste" dans l'oeuvre d'un Karl Marx "vieillissant", dès 1868, peu après la parution du Livre I du Capital, le seul réellement complété du vivant de Marx et par Marx lui-même?

     

    C'est la "thèse" du Japonais Kohei Saito, qui lui vaut la "réussite", au moins commerciale, d'un "best-seller" sur le sujet...

    Au XXIème siècle, faire rapidement 500 000 exemplaires vendus en parlant de Marx, tel est le tour de force apparent de ce jeune auteur, combinaison adroite du vieux mythe de l'"intellectuel de gauche marxisant" et du militant écologiste à la pointe du combat à la mode, n'hésitant pas à faire de Greta Thunberg une de ses "références" obligées et commode pour se situer sur le marché de la "pensée" contemporaine...

    A noter et à rappeler que la mode des "coupures épistémologiques chez Marx" est un phénomène récurrent chez les "intellectuels de gauche", incapables, donc, pour la plupart d'entre eux, d'appréhender son oeuvre dans son ensemble, de manière dialectique, c'est à dire, en fait, réellement ...marxiste!

    Le plus célèbre d'entre eux, tout étant décidément très relatif, étant évidemment Louis Althusser, qui, avant de finir en assassin de sa femme (1), avait déjà tronçonné le corps de l'oeuvre de Marx en trois où quatre "coupures" dont la principale séparait ses oeuvres de "jeunesse" du reste, pour arriver à une "maturité" convenable pour cet "érudit", prophète de sa génération de pseudos-"marxistes", et dont BHL reste l'un de ses adeptes d'outre-tombe. (1)

    A l'inverse, à la même époque, une partie de la "nouvelle gauche" gauchisante des années 60-70 "redécouvrait" les oeuvres de jeunesse de Marx pour tenter d'en faire son "miel idéologique"... (2) Le "jeunot-marxisme", une mode intellectuelle de la génération suivante, rapport à celle d'Althusser, et qui a aussi finit par trouver son prophète, en la personne de Michael Löwy (2), ce qui ne nous rajeunit donc pas pour autant, et malheureusement  surtout pas en termes de mode de pensée, même si ce vieux "jeunot-marxisme" rejoint précisément le "marxisme vert thunbergien" de Kohei Saito, histoire de profiter du "vent nouveau", même s'il reste, pour l'essentiel, ...du vent!

    Plus récemment, dans les années 80-90, et en "parallèle", si l'on peut dire, mais dans une géométrie idéologique non euclidienne où les "parallèles" finissent par se "croiser", le courant polymorphe de la "Wertkritik" découvrait "deux Marx en un", tout au long de son oeuvre, opérant ainsi, pour les besoins de leur cause, une "coupure épistémologique longitudinale" entre Marx et son "double ésotérique" (3) au fil de cette oeuvre monumentale, effectivement inachevée.

    Ce dernier point, concernant l'inachèvement de l'oeuvre de Marx, étant le seul point réel authentique commun à tous ces "exégètes", mais qui se rêvent donc en "continuateurs", "prolongateurs", et/où en "rénovateurs" de l'oeuvre de Marx, chacun apportant son petit sandwich idéologique dans cette nouvelle "auberge espagnole" de la "pensée" gauchisante pseudo-"marxiste" du XXIème siècle. 

    Marx était il "productiviste" ou "écologiste"? Plutôt "rouge" ou plutôt "vert"? Le "débat" fait rage dans le microcosme hétéroclite d'une gauche "alternative" peau-de-chagrin qui se voit rétrécie de jour en jour, à l'ombre de sa grande sœur bureaucratique archi vieillissante, sinon carrément croulante, et qui n'en finit pas de se "refaire une jeunesse" à  grands coups de sigles ronflants, eux-mêmes gonflés par le vent de leurs chimériques "promesses électorales".

    A sa façon, Kohei Saito apporte une "réponse" à l'incapacité de la gauche à satisfaire les revendications populaires: "produire plus", pour répondre aux besoins, ou "produire moins", pour "sauver la planète", mais sans doute pas une grande partie de ses habitants, déjà dans la misère...? "Produire moins!" répond Saito sans ambages...

    Le tour de force, c'est qu'il arrive néanmoins ainsi, et même au delà des cercles bobos-écolos, à se faire adouber par une grande partie de la gauche bureaucratique, et notamment par la prétendue "France Insoumise" de Jean-Luc Mélenchon!

     Mais pas que... La grande presse et les grands relais médiatiques "officiels" du système font également chorus pour promouvoir Saito, en lui donnant même en plus un parfum de "subversion" dont il a en réalité bien besoin pour "valoriser" sa nouvelle camelote idéologique pseudo-"marxiste"...

    Est-il pour autant nécessaire de tomber dans le panneau de son "best-seller" pour aller voir ce qu'il y a sous le vernis "rouge/vert" de sa présentation? Le cas Kohei Sato n'est pas tout à fait de la dernière pluie, et il a laissé suffisamment de traces depuis sa première thèse pour que l'on puisse voir où il veut nous mener, et ce qui apparaît de plus en plus clairement si l'on prête attention à ses récentes interventions médiatiques, dont nous avons donc choisi de republier ici quelques échantillons.

    Comme on peut le comprendre en l'écoutant attentivement et en analysant ses textes et ses interviews déjà accessibles sur le net, s'il s'adresse à un public à priori "de gauche", se réclamant même de l'"anticapitalisme", public qui constitue son fond de commerce, il commence donc par lui servir de l'"anticapitalisme" de bon ton et à toutes les sauces, mais en prenant bien garde d'éviter la case "révolution" qui lui aliénerait ses sponsors médiatiques systémiques, que ce soit en Europe ou au Japon...

    De l'"anticapitalisme" on passe donc directement au "post-capitalisme", avec la promotion de diverses initiatives pseudo-"écologiques" systémiques, y incluant, par exemple, chez nous, celles de ...la Mairie de Paris! 

    Ce que sous-entend ce verbiage propagandiste gauchisant au service du système c'est donc en réalité assez explicitement que le "post-capitalisme" est déjà là et qu'il est "appelé" grâce à ses différents thuriféraires, dont Saito lui-même, à remplacer "progressivement" les restes du capitalisme déjà failli, et qui n'existe plus comme "ennemi du peuple" que dans la logorrhée, précisément, de ses "camarades" pseudo-"marxistes" de tous poils, mais dont le système a tout aussi besoin pour détourner les regards et la conscience populaire hors du champ de manoeuvres de sa mutation banco-centraliste en cours depuis la crise systémique de 2007-2008, et qui a pris un coup d'accélération particulièrement brutal avec la dite "crise du covid", en réalité la première crise systémique de la nouvelle économie banco-centraliste mondialisée.

    Ce qui est remarquable et bien tout à fait caractéristique c'est que le discours de Saito sur le "post-capitalisme" en réalité déjà là, de son propre aveu, rejoint, ou plutôt "croise" donc la trajectoire du discours "parallèle" de la Wertkritik, encore plus lucide, en un sens, sur ce point, tout en prenant bien garde, pour autant, de se cantonner dans le verbiage pseudo-"marxiste" de son propre cru:

     

     ( Le texte cité ci-dessous est extrait d'un entretien entre Nicolas Basset et Clément Homs, sur le site français de la Wertkritik. Les parties en rouge et soulignées le sont par nous, Ciel de France. Ce passage, qui date donc déjà de fin 2015, en fait, est d'autant plus remarquable en ce qui concerne quelques unes des caractéristiques essentielles du banco-centralisme, dénommé par Homs "capitalisme inversé", ce qui est évidemment un non-sens, sauf précisément à comprendre la mutation banco-centraliste en cours du système de domination de classe!)

     

     

    N. B. : Quel intérêt y-a-t-il à distinguer un « Marx exotérique » et un « Marx ésotérique » dans le temps présent, pour comprendre le capitalisme ? 

    C. H. : Aujourd’hui, on ne peut plus décrire les formes phénoménales du capitalisme en ce XXIe siècle, en répétant simplement ce qu’étaient ses formes phénoménales au XIXe siècle quand Marx les avait analysées. Autrement dit on ne peut plus décrire le capitalisme post-1980 en utilisant les formes phénoménales de la configuration prise par le capitalisme au temps du régime d’accumulation auto-entretenue de production de valeur par l’exploitation du travail vivant. Monde où il y avait une place centrale pour le prolétariat et son exploitation dans les usines fordistes. C’est sur ce point que la distinction méthodologique entre le Marx « ésotérique » et le « Marx exotérique » prend toute sa signification. Souvent c’est là une source d’incompréhension au sujet de la critique de la valeur, quand on entend que celle-ci ne parlerait plus d’exploitation. 

       Bien sûr qu’il y a toujours dans le « capitalisme inversé » (Trenkle & Lohoff, La Grande dévalorisation, Post-éditions, 2014) l’exploitation du surtravail et donc toujours des luttes de classes, mais on peut montrer que ce travail de masse en Chine, en Inde, au Brésil, etc., ne représente nullement une quantité aussi élevée de valeur et survaleur que certains marxistes traditionnels voudraient le croire (cf. la démonstration de Trenkle & Lohoff, ibid., p. 110-117). Structurellement le nouveau régime d’accumulation à partir des années 1980 n’a absolument plus de caractère auto-entretenu (ce que prétend encore le concept de « régime d’accumulation financiarisé » tel que l’ont théorisé des altercapitalistes comme Michel Aglietta et les restes de l’École de la régulation !), l’exploitation toujours existante n’est plus le point central structurel du nouveau régime d’accumulation. A partir des années 1980 le capitalisme s’est survécu provisoirement en contournant sa borne logique interne, il a constitué un régime d’accumulation par anticipation de production de valeur future, où le rapport entre le capital fictif et le capital en fonction a été mis sens dessus dessous. L’industrie financière productrice de marchandise d’ordre 2 (le capital fictif ; je renvoie au livre de Trenkle et Lohoff qui développe toutes ces thématiques) y est devenue réellement l’industrie de base, seule à même d’induire un semblant d’accumulation sans valeur réelle : une accumulation à crédit, portée par une conjoncture mondiale de déficits toujours plus immenses. Dans cette nouvelle restructuration du capital, être exploité devient un « privilège » quand les travailleurs deviennent superflus à cause des exigences en productivité sociale que réclame aux capitalistes le « sujet automate ». Même en Chine dans les usines de Fox Conn, 1 million de robots sont amenés déjà à remplacer la classe ouvrière chinoise. Cela mine le processus de valorisation au niveau de la masse globale de valeur, et le capitalisme n’a pu que provisoirement se survivre au travers d’un « capitalisme inversé » dont la poursuite est impossible à moyen et long termes. 

       Le boom capitaliste des années 1990 a constitué l’âge d’or du « capitalisme inversé » en ce sens qu’il n’a jamais reposé sur sa propre base (un élargissement de la base de la valeur) mais plutôt sur l’expansion globale du capital fictif. Plus largement, ce que la World History appelle la « deuxième mondialisation » à partir des années 1980, c’est-à-dire l’expansion géographique du capital qui permet d’augmenter le taux d’exploitation du surtravail en délocalisant ou en investissant dans des pays à bas coûts, tout en ouvrant de nouveaux débouchés aux immenses masses de marchandises que les centres capitalistes produisent, est elle-même enchâssée dans l’inversion du rapport entre capital en fonction et capital fictif caractéristique du « capitalisme inversé ». C’est l’endettement massif privé et public dans les centres qui allaient constituer la base du boom périphérique de la « deuxième mondialisation ». Même le pseudo boom-chinois des années 2000 a été porté structurellement par le Circuit déficitaire Trans-Pacifique (voir aussi Robert Kurz, Vies et mort du capitalisme, Lignes, 2011) et n’est en rien le résultat de l’extension du travail de masse aux nouveaux prolétaires des « pays retardataires ». On sait que c’est ensuite la simple demande en matières premières de la Chine portée elle-même par ce circuit déficitaire (ce que ne voit pas du tout Olivier Blanchard dans son article publié dans Le Monde du 22 octobre 2015), qui allait alimenter le prétendu « miracle des BRICS » dans les années 2000 auquel a voulu nous faire croire la banque Goldman Sachs à l’origine de cet élément de langage. Comme l’ex-économiste en chef du FMI, combien de marxistes sont tombés dans le panneau en croyant en un nouveau régime d’accumulation auto-entretenue par l’exploitation du travail vivant en Asie (comme d’autres croient à l’arrivée prochaine d’un nouveau boom d’accumulation permis par la « croissance verte », les biotechnologies, la viande in vitro, l’économie collaborative des plateformes internet, etc.) ! Ces « miracles » de l’ « émergence » sont partout autant de mirages au fur et à mesure de l’éclatement en cours de cette économie de bulles mondiale. 

       Aujourd’hui, on a pour faire vite, un PIB mondial de 55 000 milliard $, tandis que le volume monétaire mondial des seuls produits dérivés fait 22 fois le volume du PIB mondial (soit 1,2 million de milliards de $) ! La capitalisation boursière mondiale représente à elle seule 50 000 milliards de $. Sans parler des autres formes de capital fictif et il faudrait évoquer le volume mondial du crédit d’Etat qui est aujourd’hui, avec la politique des Banques Centrales, la principale forme du capital fictif, the hope of last resort car l’industrie financière n’est même plus capable de perfuser le système mondial par une production auto-entretenue de capital fictif à partir du secteur privé. Malgré la dose de mammouth en termes de quantitative easing appliquée pour ranimer le PIB mondial (11 400 milliards d’euros ont été injectés dans l’économie mondiale par les Banques centrales depuis 2007) et la quantité de marchandises déversées par les équipements inanimés d’usines presque désertes, mais tournant sans arrêt et vomissant leurs produits sur le marché, l’encéphalogramme du « capitalisme inversé » (Trenkle et Lohoff) reste désespérément plat et la croissance de l’économie mondiale reste atone depuis 2008. Les immenses bulles étatiques qui tentent depuis 2008 le sauvetage de l’économie mondiale par le biais de cette expansion gigantesque du crédit d’Etat deviennent le point de départ de la prochaine mégacrise dont le potentiel destructeur se sera considérablement renforcé. 

       Dans La Grande dévalorisation de Lohoff et Trenkle, on voit toute l’importance à distinguer le « Marx exotérique » et le « Marx ésotérique ». Leur objectif est de chercher à décrire concrètement les formes phénoménales du « capitalisme inversé » en ce XXIe siècle (la 3ème partie de leur ouvrage : « Le déploiement historique du capital fictif »). Mais pour ce faire, ils doivent partir de ce point de départ nécessaire qu’est le Marx touchant à l’essence du capitalisme (le Marx ésotérique), à travers sa compréhension critique des formes basales du « capitalisme classique », de leur dynamique et de leur auto-contradiction interne absolue. Et c’est là la première partie de l’ouvrage qui, dans un incessant va et vient entre les niveaux de l'essence et des formes phénoménales, décrit le « capitalisme classique » caractérisé par le régime d’accumulation auto-entretenue de production de survaleur par l’exploitation du travail vivant. Mais pour décrire le « capitalisme inversé » mis en place dès la fin des années 1970, il leur faut aussi développer au-delà de Marx la théorie des formes basales, pour dans la deuxième partie de leur ouvrage opérer, « avec Marx, au-delà de Marx », une « refondation » du concept de capital fictif au niveau logique.

    http://www.palim-psao.fr/2015/12/les-vases-vides-font-toujours-beaucoup-de-bruit-a-propos-du-marx-exoterique-et-du-marx-esoterique-par-clement-homs-2eme-partie.html   

     

     

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    En réalité, donc, ce que ne comprenait déjà pas la Wertkritik, même si exceptionnellement "clairvoyante" dans ce passage, par rapport aux autres, et par rapport à tous les autres courants pseudo-"marxistes", c'est le rôle réellement central ...des Banques Centrales, dans la substitution de la création monétaire ex-nihilo à l'expansion du "capitalisme classique" déjà hors de combat en 2015, et déjà depuis la crise de 2007-2008, donc, et la répétition, précisément, de leurs politiques monétaires "non conventionnelles", devenues systémiques, de par le fait. 

     

    Même en Chine dans les usines de Fox Conn, 1 million de robots sont amenés déjà à remplacer la classe ouvrière chinoise. Cela mine le processus de valorisation au niveau de la masse globale de valeur, et le capitalisme n’a pu que provisoirement se survivre au travers d’un « capitalisme inversé » dont la poursuite est impossible à moyen et long terme.  

     

    En réalité, ce qui est donc "impossible à moyen et long terme", c'est bien la "poursuite du capitalisme classique" (4), mais pas du tout celle du banco-centralisme, "régulant" constamment la liquidité du "capital fictif" en alternant les variations de taux et de masse monétaire, en fonction des divers risques d'instabilité du système.

    La crise de 2020, dite "du covid" est en réalité  la correction brutale de celle (...le début de la même, donc!) commencée en 2019 suite précisément à une tentative mal avisée des Banques Centrales (5) d'en "revenir" à des caractéristiques du "capitalisme classique", finalement et définitivement impossible à "ressusciter"...

    Luniterre      

     

    PS: Quant au débat "Marx rouge productiviste" Vs "Marx vert écolo-décroissant", s'il n'est pas tout  fait anecdotique, il est pour le moins posé sur des bases tout à fait inconsistantes, précisément, du point de vue du matérialisme dialectique.

    Le Le "jeune Marx" des années 40 est en phase avec l'essor de la révolution industrielle et des possibilités d'amélioration sociale qu'elle apporte, et qui manquent encore aujourd'hui dans de grandes parties du monde où les conditions de vie des plus pauvres sont à peine au dessus de ce qu'elles étaient l'époque.

    Ce qui ne l'a donc pas empêché d'observer, avec le développement ultérieur de l'industrie, ses aspects néfastes sur les équilibres et les échanges entre la société humaine et son milieu naturel.

    Il est clair que pour Marx une alternative au système de domination de classe est à construire sur la base d'un équilibre entre les ressources réellement disponibles et les besoins sociaux, ce qui est explicitement formulé dans la Critique du Programme de Gotha. 

    Il n'y a donc pas de contradiction entre le développement approprié des forces productives et les besoins sociaux urgents à satisfaire, à commencer par sortir de la misère la part de l'humanité qui s'y trouve encore, et même de plus en plus, à nouveau, depuis la crise de 2020. 

    Mais ce "débat" particulièrement creux "croissance/décroissance" est bien utile pour le système pour détourner de la lutte sociale réelle une partie de la jeunesse et de la petite-bourgeoisie idéaliste vers des objectifs "sociétaux" qui rentrent dans le plan général de la mutation banco-centraliste mondiale. 

      

    PS 2: Le "post-capitalisme décroissant" des Kohei Saito et consorts ne s'oppose donc pas au système en termes de lutte de classe mais se contente de donner une coloration "rouge/verte" aux mutations mondialistes "post-capitalistes", c'est à dire, banco-centralistes, déjà en cours telles que planifiées selon le principe "vous ne posséderez rien mais vous serez heureux", et remplaçant un système de domination de classe par un autre. Le "post-capitalisme" banco-centraliste est un nouveau type de rapports de production fondé sur la robotisation de la production et des services, et non plus sur la domination et l'exploitation d'un prolétariat industriel, même s'il subsiste encore provisoirement dans certaines parties du monde. (6) 

     

    PS 3: Quand on parle d'"équilibre économique" possible dans une alternative au banco-centralisme il ne faut pas non plus y voir une quelconque caution du concept de pseudo-"économie circulaire". Par rapport à son milieu la société humaine est nécessairement un système "ouvert", à la fois aussi bien, par la force des choses, aux flux d'énergie "entrants" qu'aux flux "sortants" et le bilan, du point de vue thermodynamique, est nécessairement celui d'un accroissement de l'entropie globale, même si une bonne gestion peut y mettre une modération relative par rapport aux solutions actuelles désastreuses. 

    Quoi qu'il en soit, il n'y a donc pas de "recyclage" qui ne se fasse sans un apport extérieur et supplémentaire d'énergie, aussi "raisonné" soit-il, et donc néanmoins avec une contribution à l'augmentation globale d'entropie. (7)

     

    Toute production humaine étant aussi nécessairement une production d'entropie supplémentaire, il reste donc nécessaire de faire des choix raisonnés en fonction des besoins sociaux les plus urgents.

     

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    A la suite, un article très récent de communication systémique pour promouvoir la "littérature" de Kohei Saito, suivi de différents interviews et textes signés de lui traduits en français. 

    A la suite également, quelques notices de présentation de ses principaux ouvrages, avec en plus quelques recensions critiques.

    Lorsque les médias systémiques parlent de "thèse inattendue de Kohei Saito", il faut donc bien y voir une intention délibérée de promotion, vu que pour l'essentiel Saito ne fait que reprendre, en réalité, une piste déjà largement défrichée par l'américain John Bellamy Foster, près d'un quart de siècle plus tôt, à qui revient donc le vrai mérite d'avoir précisément rendu à Marx ce qui était évidemment son approche matérialiste et dialectique des rapports entre la société humaine et son milieu naturel.

     

    C'est pourquoi on a ajouté, au passage, la notice de son ouvrage essentiel, en traduction française, ainsi qu'une version PDF en lien de son original en anglais.

     

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    Marx décroissant: la thèse inattendue du Japonais Kohei Saito


    Par AFP le 25 Sep. 2024 à 03h00 (TU)  Mis à jour le 25 Sep. 2024 à 10h32 (TU) 

     

    Kohei Saito, professeur de philosophie à l'Université de Tokyo, dans une forêt à l’ouest de la métropole de Tokyo, le 9 juillet 2024 AFP/Archives Philip FONG

     

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    Et si Karl Marx, au bout de sa réflexion, avait conclu que la seule issue était de sortir du capitalisme et décroître? C'est la thèse surprenante du philosophe japonais Kohei Saito, dans un livre à succès enfin traduit en français.

    "Moins! La décroissance est une philosophie" est le titre choisi par les éditions du Seuil pour cet essai paru en japonais en septembre 2020, traduit en anglais en janvier 2024.

    Un succès inattendu dans l'archipel: 500.000 exemplaires, avec sur la couverture le titre en allemand, "Das Kapital im Anthropozän" ("Le Capital dans l'anthropocène").

    Lors de ses séances de dédicace, le chercheur de 37 ans utilise un tampon qui le fait apparaître aux côtés du célèbre philosophe allemand à barbe blanche. Pour détendre l'atmosphère, explique Kohei Saito, venu promouvoir l'ouvrage à Paris, car "la philosophie, le marxisme, ce sont des sujets un peu lourds".

    L'essai est très accessible. Il explique pas à pas les concepts complexes, les événements historiques oubliés ou les auteurs méconnus, et il puise ses exemples dans notre vie quotidienne.

    Tout est parti de sa participation aux travaux de l'édition complète des écrits de Marx et Engels (MEGA, Marx-Engels-Gesamtausgabe). Kohei Saito est chargé de centaines de pages de notes de Marx sur les sciences naturelles. Il y découvre un penseur de plus en plus préoccupé, dans les années 1860-1870, par la surexploitation des ressources de la planète.

    "Exiger un changement"

    L'intuition du Japonais est que "Le Capital", dont le premier tome est publié en 1867, n'a jamais pu être achevé avant la mort de Marx en 1883, parce qu'il nécessitait une réorientation drastique. Friedrich Engels publia les tomes II et III sans prendre ce tournant.

     

     

    Photo datant de 1875 du philosophe allemand Karl Marx

     

    "Moins!" offre un plaidoyer pour le "communisme décroissant". Ce système redonnerait à la collectivité la propriété des biens communs, comme l'eau, l'électricité, les transports, etc. Et il supprimerait des activités économiques superflues comme le marketing ou l'échange de produits financiers dérivés, pour empêcher la catastrophe climatique inéluctable avec nos émissions de CO2. 

    On pense à Marie Kondo, autre Japonaise de la même génération qui a gagné une audience mondiale. Sa philosophie du rangement incite à ne garder que ce qui "procure de la joie".

    Celle de Kohei Saito nous exhorte à travailler moins et à cesser de considérer le prix des choses, au profit de leur véritable valeur, la "valeur d'usage".

    "Je remets en cause le système de production", lance-t-il. "Si vous réduisez le plastique que vous consommez au quotidien, le problème global de cette production de plastique, ou l'utilisation d'énergies fossiles pour commencer, ne change en rien".

    "Il faut exiger un changement de système, si vous culpabilisez par rapport à ça", ajoute-t-il.

     

    "Le capitalisme va stagner"

    L'auteur donne comme exemples la militante suédoise Greta Thunberg, la Convention citoyenne pour le climat en France ou les initiatives écologiques de la municipalité de Barcelone.

    Il évite un mot qu'on associe systématiquement au marxisme, révolution. "C'est un choix conscient", car au Japon, souligne-t-il, "nous ne jetons pas de pierres sur la police quand nous manifestons, nous ne brûlons pas de voitures".

    Mais c'est bien un tournant radical que prône Kohei Saito, pas celui d'une "croissance verte" ou d'un "écosocialisme" sous des gouvernements de gauche. Au contraire: réaliser un modèle de société que Marx n'a pas eu le temps de dessiner, lui qui à la fin de sa vie était fasciné par les communautés agraires médiévales de sa région natale en Allemagne, les "Markgenossenschaften".

    Le projet est pointu, et la résistance du capitalisme à son propre effacement risque d'être impitoyable. Kohei Saito y croit, "politiquement optimiste".

    "Dans les 20 prochaines années peut-être, je pense que la situation va empirer. Le capitalisme va stagner, il y aura plus d'inégalités", parie-t-il. "Je pense que nous sommes à un moment de bifurcation. Le fascisme, ou le communisme de décroissance".

     

    https://information.tv5monde.com/science/marx-decroissant-la-these-inattendue-du-japonais-kohei-saito-2741357

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    Kohei Saito chez Mélenchon... (Institut La Boétie)

     

     

    L'Institut La Boétie est un think tank français créé le 21 octobre 2019 par le conseiller d’État Bernard Pignerol1. Affilié au parti politique français La France insoumise, il est actuellement co-présidé par Jean-Luc Mélenchon et Clémence Guetté2.     https://fr.wikipedia.org/wiki/Institut_La_Bo%C3%A9tie_(2020)

     

     

     

     

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    Les paroles volent, les écrits restent: entretien avec Kohei Saito

     

     

     

     

     

     

     

     

    Entretien avec Kōhei Saitō: Le Capital dans l’Anthropocène (Hitoshinsei no ‘Shihonron’)

    18 mai 2023

     

    Nous republions un long entretien avec Kōhei Saitō réalisé le 12 janvier 2023 par Emilie Letouzey et Jean-Michel Hupé de l’Atelier d’Écologie Politique . En remerciant vivement Emilie Letouze,  Jean-Michel Hupé et la rédaction de Terrestres.org pour l’autorisation de cette republication.

    Lorsqu’en 1867 Marx publie à Hambourg le livre I du Capital, cinq longues années sont nécessaires pour écouler le tirage de 1 000 exemplaires. Cent-cinquante ans plus tard, un universitaire japonais publie « Le Capital dans l’Anthropocène » qui se vend à 500 000 exemplaires en quelques mois… Kōhei Saitō y propose une relecture écologiste du philosophe allemand, alliant décroissance et communisme. Le « redoutable missile » que Marx croyait avoir « lancé à la tête de la bourgeoisie » vient-il d’être à nouveau mis en orbite depuis le Japon ? Éléments de réponse dans cet entretien avec l’auteur.  Kōhei Saitō

    En 2020, l’universitaire Japonais Kōhei Saitō, spécialiste de Karl Marx, publie Le Capital dans l’Anthropocène  (Hitoshinsei no ‘Shihonron’), un essai dense et radical sur la catastrophe en cours et à venir, véritable manuel d’écologie politique. Succès inattendu, le livre se vend à un demi-million d’exemplaires. Saitō est invité partout et débat volontiers dans les journaux, à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Dans un langage clair et concis, il expose sa position anticapitaliste et assume un engagement citoyen peu commun pour un chercheur au Japon.

    Au centre de son analyse : Marx, dont Saitō a décortiqué les carnets tardifs, dans lesquels il voit une inflexion majeure de la pensée de l’auteur du Capital par rapport à l’environnement. Un Marx écologiste avant l’heure, tel que dépeint par les éco-socialistes ? Oui, mais l’analyse de Saitō va plus loin puisqu’il place la décroissance au centre de son propos. Car en plus d’avoir fait ses classes parmi les éco-socialistes, Saitō s’inscrit dans le renouveau de la pensée décroissante, parfois appelé « la voie catalane1 ». Au Japon, qui vit dans la nostalgie de la Haute croissance (1955-1973) et a pour programme gouvernemental le « Nouveau capitalisme » (Atarashii shihonshugi), il est peu dire que cela ne va pas de soi.

    Que contient donc ce livre à succès, dont une version anglaise remaniée, plus académique, est parue en février 20232 ? Saitō y dresse le constat du désastre social et écologique du capitalisme, expliquant les mécanismes d’externalisation d’une charge devenue monumentale sur les humains et la nature. Démontant le solutionnisme technologique et réfutant le Green New Deal, il esquisse quatre scénarios possibles pour le futur : fascisme climatique, maoïsme climatique, barbarie, et un quatrième scénario d’abord nommé « X » et dévoilé plus avant, au terme d’une partie centrale sur la question des communs. Ce scénario, qui constitue la proposition centrale de l’ouvrage, c’est le communisme décroissant – seul à même, selon Saitō, de parer au pire et d’assurer équité, justice et abondance. « Pour ne pas terminer l’Histoire », il appelle enfin à la mobilisation, même minoritaire.

    Le Capital dans l’anthropocène recourt donc à Marx pour lutter contre la catastrophe socio-climatique en cours ; de la même manière, Le Capital depuis zéro, dernier ouvrage de Saitō sorti au Japon en janvier 20233, utilise Le Capital pour parler aux gens de leurs problèmes au travail, de la précarité au Japon ou des raisons qui nous poussent à consommer sans relâche. Une posture qui peut sembler paradoxale puisque la spécificité de Saitō est de s’appuyer sur ce qui n’est justement pas dans Le Capital4, et qui lui vaut d’être en désaccord avec de nombreux marxistes.

    Dans son bureau de l’université de Tōkyō avec vue sur le mont Fuji, Kōhei Saitō revient sur le succès du Capital dans l’anthropocène et nous explique comment il dépasse l’apparente contradiction entre décroissance et communisme : en partant des communs, tout simplement.

      

    Terrestres : Dans votre livre Le Capital dans l’Anthropocène vous défendez le communisme décroissant comme solution politique (voire civilisationnelle) à l’effondrement prochain des sociétés et de la vie dans l’Anthropocène. Votre proposition converge avec les tendances récentes du mouvement de la décroissance, mais elle est originale pour au moins trois raisons. La première est que vous êtes un spécialiste de Marx ; la deuxième est que vous poussez clairement la décroissance vers la gauche en remettant la notion de communisme au goût du jour ; la troisième est que vous écrivez depuis le Japon, où vous rencontrez un succès important. Le terme « décroissance » est déjà considéré comme une provocation volontaire, celui de « communisme » ressemble à une provocation supplémentaire. Comment les définissez-vous ? 

    Kōhei Saitō : En effet, la décroissance et le communisme ont tous deux une très mauvaise image, et ces termes peuvent être compris de différentes façons. Je les combine intentionnellement car j’espère que le négatif multiplié par le négatif sera quelque chose de positif qui ouvrira une nouvelle façon de penser. Mais mon point de départ était relativement simple. La décroissance est incompatible avec le capitalisme car, par définition, le capitalisme est un système de valorisation constante du capital : le capital s’accroît lui-même à l’infini. Dans le monde d’aujourd’hui, cela est représenté par l’augmentation du PIB et la croissance économique comme impératif principal de notre société. Donc si nous prônons la décroissance, nous devons être anticapitalistes : la décroissance sous le capitalisme est impossible, ce sont deux choses qui sont tout simplement incompatibles.

    « La décroissance est incompatible avec le capitalisme car, par définition, le capitalisme est un système de valorisation constante du capital. » (Saitō Kōhei)

    C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai pensé que mon parcours de spécialiste du marxisme serait en quelque sorte utile. D’une part parce que je pense que le marxisme, ou Marx en tant que philosophe, est l’un des rares penseurs qui analyse de manière très critique et systématique le mode de production capitaliste. D’autre part parce que des gens qui appellent à la décroissance, comme Serge Latouche – qui est célèbre même au Japon, puisque trois ou quatre de ses livres sont traduits en japonais – plaident pour une troisième voie par rapport au capitalisme et au socialisme. Latouche n’a jamais dit clairement que, pour sa proposition de décroissance, il serait nécessaire que le socialisme surmonte le capitalisme. C’est pourquoi j’étais un peu méfiant à propos de la décroissance alors que je connaissais le concept depuis longtemps. De même au Japon, Yoshinori Hiroi 広井良典 ou Keishi Saeki 佐伯啓思 sont connus pour avoir utilisé le concept de décroissance, mais ils n’ont jamais dit que l’alternative serait le socialisme ou le communisme. En raison de l’expérience du passé, ils hésitent à utiliser ces termes ou même à revenir à Marx.

    Mon approche est différente. Ma génération aussi est différente. Je suis né en 1987 : quand j’ai grandi, l’Union Soviétique avait déjà disparu et je n’ai pas eu ces mauvaises expériences avec le parti communiste. Mais cela ne veut pas dire que je veux revenir au communisme soviétique ou au socialisme à la chinoise. Quand j’utilise Marx, je travaille à partir de divers carnets non publiés dans le cadre du « projet MEGA5 », où nous découvrons beaucoup de nouvelles idées. L’une de ces idées est que Marx était un penseur très écologique, et j’ai découvert que sa critique écologique du capitalisme pouvait être très utile.

    « Dans le sillage de Marx, je redéfinis le communisme comme une forme d’association et non un capitalisme d’État bureaucratique. » (Saitō Kōhei)

    Par exemple, Marx n’a pas plaidé pour une planification hiérarchique de la société à la soviétique : il met en avant le concept d’association, qui est beaucoup plus du genre bottom-up. Je me suis basé sur ce type de compréhension très largement partagée parmi les marxistes japonais, qui ont montré que la vision du socialisme de Marx est très différente de celle de l’Union Soviétique6. L’Union Soviétique est souvent caractérisée comme un capitalisme d’État – et je suis d’accord avec cela. Ce que j’essaie donc de faire, c’est de redéfinir le communisme comme une forme d’association et non un capitalisme d’État bureaucratique. Il s’agit plutôt de la façon dont diverses formes d’associations gèrent les communs de manière démocratique.

    Ma définition du communisme est donc très simple : le communisme est une société basée sur les communs. Le capitalisme a détruit les communs avec l’accumulation primitive, la marchandisation7 des terres, de l’eau et de tout le reste. C’est un système dominé par la logique de la marchandisation. Ma vision du communisme est la négation de la négation des communs : nous pouvons dé-marchandiser les services de transport public, le logement public, tout ce que vous voulez, mais nous pouvons aussi les gérer d’une manière plus démocratique – pas à la façon de quelques bureaucrates qui régulent et contrôlent tout. Nous pouvons avoir un système de gestion plus bottom-up.

    J’accepte généralement ce que les adeptes de la décroissance disent, mais j’essaie de combiner deux courants dans le « communisme décroissant ». Je pense même que, à la fin de sa vie dans les années 1880, Marx avait de la sympathie pour ce genre d’idée que j’appelle communisme décroissant.

     

    Il y a quelque chose qui n’apparaît pas dans les traductions, c’est qu’en japonais vous écrivez komyunizumu (コミュニズム) et non kyōsanshugi (共産主義, qui signifie « communisme »). Vous avez aussi mentionné le terme komonizumu (コモニズム, « commonisme ») : est-ce un terme que vous utilisez également ? 

    Au Japon en effet, « communisme » écrit avec les caractères chinois 共産主義 est généralement associé à l’Union Soviétique, à la Chine, ou au parti communiste japonais. C’est donc intentionnellement que j’utilise le terme komyunizumu コミュニズム pour différencier ma compréhension du terme conventionnel. Mais comme il y a des gens qui ne saisissent pas la nuance, j’ai dit dans une interview que « la société basée sur les communs est le communisme, donc on pourrait même dire commonisme ». Ce terme est en fait proche de ce que je veux exprimer.

    Le communisme est généralement associé à la notion de révolution, qui n’est pas mentionnée dans votre livre. Dès lors, quel est le processus pour aller vers ce communisme décroissant si ce n’est pas la révolution ? Comment voyez-vous cette transition ? 

    C’est une question très importante. Ma vision du communisme est très différente de la révolution prolétarienne, de la dictature du prolétariat et de ce genre de choses. Ce que j’essaie de défendre, c’est l’expansion graduelle des communs.

    Le capitalisme est le processus d’expansion constante de la marchandisation de tout. Le processus à suivre devrait donc être la démarchandisation progressive de ce qui a été marchandisé. Cela me semble plus réaliste et plus proche de ce à quoi Marx pensait, surtout dans ses dernières années. Par exemple, si vous lisez le volume 1 du Capital, il explique pourquoi la réduction de la journée de travail est une stratégie très importante pour le mouvement ouvrier. Ce n’est pas révolutionnaire, d’accord, car ce n’est pas en raccourcissant la journée de travail que nous détruirons le capitalisme. Mais Marx pense que c’est une condition préalable. Parce que lorsque les travailleurs et travailleuses travaillent douze heures par jour, ils et elles n’ont pas de temps pour les mouvements sociaux ou pour étudier. Regardez les travailleurs et travailleuses japonaises, qui travaillent tellement qu’ils et elles sont épuisé·es et ne font rien d’autre que regarder Youtube. Je pense donc qu’il est essentiel de raccourcir la journée de travail.

    « Contre l’expansion constante de la marchandisation, le processus vers le communisme devrait être la démarchandisation progressive de ce qui a été marchandisé. » (Saitō Kōhei)

    De même, il est très important que les gens ne dépendent pas autant des échanges monétaires et marchands. L’État-providence en Europe occidentale me paraît donc plus proche de la vision du socialisme de Marx que l’Union Soviétique. Parce que l’Europe occidentale a démarchandisé l’éducation, une partie du secteur médical et des soins, et même du logement8. Parce que les gens peuvent vivre – ou du moins peuvent sentir qu’ils peuvent vivre – sans dépendre entièrement du travail salarié, ils ont plus de liberté pour s’engager dans d’autres activités non commerciales, non capitalistes. Il peut s’agir d’art, d’activités culturelles, de sport, d’activités politiques, de n’importe quoi. Au Japon, il n’y a pas beaucoup d’endroits où les gens peuvent se réunir sans payer, alors nous allons toujours à l’izakaya9 pour nous réunir – cela reste une activité très marchandisée, je trouve.

    Plus nous arriverons à étendre les communs, plus nous aurons de liberté, plus nous aurons d’espaces pour des activités non-capitalistes ou même anticapitalistes. Et cela changera notre façon de penser et notre comportement, ce qui aidera à construire un mouvement social plus large et plus radical. Je pense que ce processus va s’étendre, s’étendre, s’étendre, et qu’il y aura un moment où la logique de cette valorisation constante du capital ne sera plus la force organisatrice centrale ou principale de la société.

    Donc, ce n’est pas du communisme pur : ma définition est très différente dans le sens où j’admets que les échanges monétaires et marchands peuvent encore exister dans une société future, mais de façon limitée. Il s’agit d’un autre type de société.

    Les deux ouvrages de Kōhei Saitō dans une librairie : « Le Capital dans l’anthropocène » et « Le Capital depuis zéro ». La recommandation des libraires dit : « Tout le monde connait Le Capital, mais à cause de sa difficulté et de sa longueur, personne ne parvient vraiment à poursuivre la lecture…Mais Kōhei Saitō vient renverser cet état de fait ! Avec son approche depuis le point de vue du “métabolisme”, il explique avec soin l’essence du capitalisme et sa signification actuelle…»

    Votre proposition pour étendre les communs semble très proche de ce que la communauté de la décroissance10 appelle des « réformes non réformistes ». En ce sens, « commonisme » serait moins ambigu en Europe que « communisme ». Mais, d’un autre côté, vous appelez de vos vœux une alliance rouge-verte, et parler de « communisme » est clairement un appel à la gauche. Avec les traductions de vos livres, qu’attendez-vous de la gauche en Europe, où la gauche et les syndicats sont encore très attachés à la croissance, au pacte fordiste, etc. ? L’utilisation du terme communisme est-elle une tentative pour construire une stratégie de contre-hégémonie à la croissance en favorisant une alliance rouge-verte ? 

    Oui, le premier point est très important : j’ai été influencé par Joachim Hirsch, le marxiste allemand, qui prône quelque chose de similaire : le « réformisme radical ». C’est une réforme, mais c’est radical parce que nous voulons aller au-delà du capitalisme.

    Le deuxième point concernant l’alliance rouge et verte est aussi très important. Ce que j’essaie de faire en mettant en avant ce concept de communisme, c’est de souligner que nous devons aspirer à un post-capitalisme. Les adeptes de la décroissance ont parfois été ambivalents sur ce point. Cela a changé récemment, avec par exemple Jason Hickel et d’autres, plus anticapitalistes, mais dans la génération de Serge Latouche et même André Gorz, les concepts de socialisme et de communisme n’étaient pas mis en avant.

    « Alors que j’adhérais partiellement au Green New Deal, j’ai changé d’avis il y a trois ans : la décroissance est la seule solution. » (Saitō Kōhei)

    En même temps, je suis un universitaire marxiste et je veux donc aussi influencer mes amis éco-marxistes comme John Bellamy Foster ou Paul Burkett. Michael Löwy, dont je suis proche, a souvent dit par le passé que la décroissance était une mauvaise stratégie politique – même Foster n’a jamais vraiment dit que nous avions besoin de la décroissance ou d’une économie stationnaire. Je voulais les faire changer d’avis. Je pense qu’ils sont toujours prisonniers d’une vieille façon de penser, sans doute parce que le marxisme est favorable aux technologies, et aussi parce qu’ils considèrent que l’idée de décroissance n’est pas une idée attractive pour la classe ouvrière et ne deviendra jamais une force politique de contre-hégémonie.

    Mais la situation a changé, la crise climatique s’aggrave vraiment. J’ai d’ailleurs moi-même évolué – surtout après Greta Thunberg, que beaucoup de gens ont soutenu, notamment les jeunes. Alors que j’adhérais partiellement au Green New Deal, j’ai changé d’avis il y a trois ans : la décroissance est la seule solution.

    Ainsi, dans mon premier livre11, j’ai essayé de surmonter le clivage entre verts et rouges. Dans mon deuxième livre12, j’essaie de surmonter l’antagonisme entre le marxisme et la décroissance.

    Est-ce que ça marche ? Est-ce que les marxistes évoluent vers la décroissance ? Et qu’en est-il du parti communiste, qui est encore assez fort au Japon ? 

    Le parti communiste ignore mon travail. Tout en profitant du succès de mon livre puisque les gens parlent de Marx. Il prône la croissance et continue d’affirmer que la décroissance est irréaliste. Quant aux marxistes japonais, des hommes âgés pour la plupart, ils ne comprennent pas la gravité de la crise climatique, il est donc très difficile de dialoguer.

    Mais si vous regardez en dehors du Japon, l’année dernière, Michael Löwy a écrit un article14 avec Giorgos Kallis dans la Monthly Review où il appelle explicitement à une décroissance éco-socialiste13. C’est un très grand changement. Je lui ai demandé : « Vous avez changé de position ? », il a répondu : « Oui ». Et le fait que la Monthly Review publie cet article signifie que Foster14 change aussi de position. Il a lu mes interviews et il apprécie ma proposition de communisme décroissant. Foster prend donc aussi clairement position pour la décroissance.

    La stratégie de la décroissance en Europe, telle que développée notamment à Barcelone par Giorgos Kallis et d’autres, a beaucoup plus appelé à des alliances avec l’éco-féminisme qu’avec le communisme. Nous n’avons pas vu beaucoup de références à l’écoféminisme dans votre livre. Est-ce un choix conscient de votre part de ne pas le faire ? 

    Je pense que c’est l’une des faiblesses centrales de ce livre (Le Capital dans l’anthropocène) parce que je me suis concentré sur ma nouvelle interprétation de Marx. Je suis également un universitaire homme et j’ai un peu hésité à mettre en avant l’éco-féminisme comme pilier central de mon argumentation. Mais j’aurais quand même dû intégrer davantage ce type d’argument dans mon livre. Dans Marx in the Anthropocene : Towards the Idea of Degrowth Communism (2023), je fais intervenir des autrices comme Stefania Barca, Ariel Salleh, Sylvia Federici et d’autres15. Mais ce que je voulais établir, c’est une interprétation entièrement nouvelle du Marx tardif, qui est ma spécialité, et c’est ce que je peux apporter de plus à la division entre le marxisme et la décroissance.

    « Par opposition au socialisme d’État du XXe siècle, le communisme du XXIe siècle devrait être anarchiste, l’utopie que nous recherchons devrait être anarchiste. » (Kōhei Saitō)

    Vous ne mentionnez également l’anarchisme qu’une seule fois, pour l’écarter, alors que vous parlez beaucoup des expériences actuelles à Barcelone. L’anarchisme espagnol qui a culminé à Barcelone dans les années 30 et toutes les initiatives d’organisation horizontale et d’autonomie qui en sont issues sont en fait très similaires à ce que vous décrivez à travers le communisme décroissant. Vous citez également David Graeber. L’anarchisme n’est-il donc pas pertinent pour vous, d’une manière ou d’une autre ? 

    En fait, je viens d’écrire un nouveau livre (en japonais) dans lequel il y a un chapitre sur la Commune de Paris, et j’y écris dans un sens clairement positif que la position du Marx tardif est en fait un « communisme anarchiste » (anākisuto-komyunizumu). Par opposition au communisme ou au socialisme du XXe siècle, c’est-à-dire le socialisme d’État, je soutiens que le socialisme ou le communisme du XXIe siècle devrait être anarchiste, que l’utopie que nous recherchons devrait être anarchiste. Et c’est très proche de ce que Marx préconisait pendant la guerre civile en France dans son analyse de la Commune de Paris.

    Et pas seulement de Marx, mais aussi de gens comme Peter Kropotkine, Élisée Reclus et William Morris. Ces auteurs sont également favorables à un post-capitalisme de type décroissance. Mais ils ont été marginalisés au XXème siècle et le récit du socialisme est devenu le marxisme-léninisme, centré sur l’État et sur le développement constant des technologies et de la bureaucratie. C’est totalement à l’opposé de ce qui était tout à fait central au XIXème siècle. Il y a donc eu une déformation du socialisme et du communisme à cause de l’Union Soviétique. Nous devons redécouvrir ce qui a été perdu, dont cette idée de communisme décroissant.

    Vous avez eu beaucoup de succès au Japon avec des concepts a priori peu populaires. Comment expliquez-vous ce succès japonais ? Vous mentionnez souvent le jeune public comme une des clés de ce succès, mais avez-vous été lu également par des précaires ou par les milieux d’affaires ? 

    Oui, beaucoup par les milieux d’affaires ! La première phrase, qui dit que les Objectifs du Développement Durable (ODD) sont le nouvel opium du peuple, a été assez populaire parce qu’au Japon tout le monde parle des ODD : les gens portent des badges « ODD » sans savoir ce que cela signifie. Je pense que mon livre est devenu quelque chose que les milieux d’affaires doivent connaître, mais je ne suis pas sûr qu’ils comprennent vraiment ce que signifie le communisme décroissant, et je ne pense pas qu’ils soient d’accord.

    Mon livre se compose de deux parties. La première partie est sur les limites du capitalisme, qui est incapable de résoudre la crise climatique. Je pense que les gens ont lu attentivement cette partie. Mais en ce qui concerne la deuxième partie, sur la solution, ils ne sont pas d’accord. Dans d’autres pays comme l’Amérique avec la génération Z, ou dans la mouvance de Greta Thunberg, la jeune génération a davantage de sympathie envers les idées socialistes. Des mouvements radicaux émergent. Je dis toujours aux hommes d’affaires16 : « Vous allez travailler avec ces jeunes générations pendant les dix ou vingt prochaines années, alors vous devriez savoir quelles sont les tendances générales dans les autres pays. » Alors ils s’intéressent à mes idées sur le socialisme et le communisme, ainsi qu’à la discussion générale sur la décroissance à l’ère de la crise climatique. J’ai l’impression que ça marche.

    Et quelle est la réception par les travailleurs et travailleuses précaires ? Sachant qu’il y a eu une forte augmentation de la précarité et de la pauvreté au Japon au cours des trente dernières années ? 

    Il y a en effet une génération un peu plus âgée que moi qu’on appelle la « génération de l’âge de glace de l’emploi17 » qui était étudiante à l’université au début des années 1990 quand la bulle japonaise a éclaté et qui n’a pas pu trouver d’emploi. Aujourd’hui encore, cette génération précaire est souvent très pauvre. Son avis est que la stagnation de l’économie japonaise est due à l’austérité. Elle plaide donc en faveur d’une augmentation des dépenses gouvernementales, de l’« assouplissement quantitatif » suivant la Théorie Monétaire Moderne18, afin que l’économie japonaise croisse davantage, qu’il y ait plus d’emplois, que les salaires augmentent. Donc, souvent, les précaires n’aiment pas mes idées, ni l’idée de décroissance.

    Il existe un clivage malheureux dont la cause profonde est le capitalisme. Au Japon, il y a ce groupe appelé Hankinshukuha, « groupe anti-austérité », qui combat la décroissance. Ce groupe soutient que le Green New Deal est important, qu’il faut plus d’emplois verts, et que le capitalisme est bien alors que la décroissance va créer plus de pauvreté, de chômage : « le communisme de Saitō est trop extrême ». Je suis critiqué par des figures populaires parmi les travailleurs et travailleuses précaires, comme le parti populiste de gauche Reiwa shinsen-gumi de l’acteur devenu politicien Tarō Yamamoto 山本太郎. 

    Vous débattez volontiers avec des adeptes du capitalisme, qui peuvent admettre que le capitalisme est peut-être allé trop loin mais qui pensent que nous pouvons le réformer et que tout ira bien. Vous vivez également dans le pays du « Nouveau Capitalisme », nom du programme gouvernemental actuel. Qu’en est-il de cette tendance réformiste ? 

    Je pense que le « Nouveau Capitalisme » (Atarashii shihonshugi) du premier ministre Kishida a été partiellement influencé par le succès de mon livre, où je critique le capitalisme. À l’époque, les journaux et magazines économiques en parlaient et j’ai été beaucoup lu dans les milieux politiques, y compris au Parti Libéral Démocrate [droite nationaliste, NDLR] au pouvoir. Le ministre de l’environnement, Shinjirō Koizumi (qui est le fils de Junichirō Koizumi19 ) a même été interpellé lors d’une discussion au parlement : « Avez-vous lu le livre de Saitō ? Il critique la politique actuelle et dit que l’économie verte n’est pas possible ! ». Le « Nouveau Capitalisme » de Kishida est donc une sorte de réponse.

    Une réponse de type Greenwashing ? 

    Oui, mais intéressante.

    En tant que contre-hégémonie ? 

    Oui. Mais il n’y a eu aucun changement substantiel depuis que cette politique a été lancée il y a deux ans. L’idée de redistribution de Kishida a disparu, il ne parle plus de corriger l’inégalité des richesses. À la place, il nous recommande d’investir dans le marché boursier ! C’est devenu le contraire, c’est devenu un non-sens.

    Lorsque je discute de ce type de tentative de réforme du capitalisme, mon principal argument est simple : lorsque l’économie se développe, historiquement, l’utilisation de l’énergie et des ressources augmente également. Donc, à moins que ce découplage entre la croissance économique et l’utilisation des ressources et de l’énergie ne devienne possible, si nous essayons de continuer à croître, cela conduira à un désastre écologique – or ce découplage n’a pas lieu.

    Nous devons donc renoncer à la croissance économique : cela ne signifie pas que nous devons vivre dans la pauvreté, n’est-ce pas ? Je ne dis pas que nous devrions réduire l’éducation, les transports publics ou les services médicaux. Je dis simplement que nous n’avons pas besoin d’autant de supérettes, de McDonald’s ou de gyūdon20, ou de fast fashion Uniclo ou Muji, ces choses peuvent être réduites sans réduire notre bien-être social. Nous vivons dans une société de production et de consommation excessive.

    Dans Le Capital dans l’Anthropocène, vous mentionnez souvent que nous avons un mode de vie impérial. Dans la première partie de votre livre, on voit que le Japon est très dépendant et vulnérable, et peut s’effondrer très facilement s’il y a une crise majeure (par exemple la majorité de la nourriture est importée). De même qu’avec la guerre en Ukraine, les gens en Europe ont soudain réalisé à quel point nous sommes dépendants de l’économie mondiale. Avez-vous réussi à faire prendre conscience de cette vulnérabilité ? 

    Ce qui s’est passé au Japon après le déclenchement de la guerre en Ukraine est plutôt réactionnaire. Les gens se sont focalisés sur des réalités économiques à court terme, par exemple comment obtenir plus de gaz ou plus de pétrole, et nous parlons maintenant de prolonger l’utilisation des centrales nucléaires – qui ont maintenant 40 ans mais que nous essayons de prolonger à 60 ans. Beaucoup attribuent l’inflation à la guerre ou à l’énergie verte, et réclament davantage d’énergie nucléaire ou de charbon.

    Les gens ont tendance à oublier la crise à long terme du changement climatique. Bien sûr, certaines et certains – dont je fais partie – disent que c’est un problème et que nous devons avoir une plus grande autosuffisance énergétique et alimentaire parce que nous sommes trop dépendants de la Chine, de la Russie et d’autres pays, et que si quelque chose arrive avec la Chine, nous serons toutes et tous morts. Mais je pense que l’opinion publique générale penche plutôt de nouveau vers le nucléaire et estime que nous avons besoin d’autres moyens pour obtenir de l’énergie et la sécurité alimentaire.

    Vous employez dans votre livre une expression très forte : l’« état de barbarie » (yaban jōtai), qui en japonais renvoie à une image horrible de ce que le changement climatique peut produire si nous ne faisons rien. Cette image a-t-elle choqué les gens ? 

    J’utilise ce terme pour que les gens se rendent compte de la gravité de cette crise. Vous êtes au Japon depuis un certain temps : vous avez vu que l’intérêt général pour la crise climatique est très faible. Il n’y a pas de parti vert, nous n’avons pas de discussion sérieuse sur le Green New Deal, des entreprises comme Toyota ne fabriquent même pas de voitures électriques, Kishida parle de centrales à charbon de haute technologie… Ce retard est choquant, même pour moi !

    Suite à la popularité de mon livre, je pensais que les gens s’intéresseraient davantage à la crise climatique. C’est tout l’intérêt d’écrire ce genre de livre grand public. Mais dans la société japonaise, la crise climatique est marginalisée. C’est très différent de la France, de l’Allemagne, des États-Unis. Je ne comprends pas et j’ai besoin de trouver une explication !

    Parmi les collègues avec lesquel·les j’en parle, personne n’en a. Certain·es disent que c’est parce que le Japon a beaucoup de catastrophes naturelles, comme des tremblements de terre, et que les Japonais·es penseraient donc que la nature est quelque chose que nous ne pouvons pas contrôler. Ils ou elles considéreraient le changement climatique comme quelque chose auquel il faut s’adapter, et non pas contre lequel lutter. Au contraire, les Européen·nes penseraient que l’être humain peut dominer la nature : très contrariés que la nature se révolte, ils et elles essaient de faire quelque chose. Mais c’est une explication très culturelle. En tant que marxiste, je recherche des explications plus socio-économiques. Mais je n’en ai pas encore trouvé.

    Vous faites un travail théorique, mais vous participez aussi à des manifestations. Quelle est votre position en tant que chercheur, et surtout en tant que penseur radical ? 

    Le Japon est une société plutôt conservatrice. Ainsi, simplement participer à une manifestation est considéré comme quelque chose de très dangereux. Beaucoup de gens détestent ce genre d’activités, et même s’ils sont intéressés, ils ne participent pas parce qu’ils ont peur d’être considérés comme des fous furieux. En tant que professeur qui enseigne à l’université j’ai davantage de liberté de m’exprimer en public. Je considère cela comme une sorte de responsabilité sociale que je dois toujours assumer. C’est pourquoi je vais aux manifestations et aux rassemblements chaque fois que je le peux. En même temps, je ressens souvent les limites d’une approche purement théorique : je pourrais me contenter de lire les carnets de Marx dans ce bureau, mais cela ne créera pas une théorie utile au monde d’aujourd’hui !

    Je pense que le changement émerge vraiment des pratiques, des mouvements sociaux. C’est pourquoi j’ai écrit un autre livre pour lequel je me suis rendu dans de nombreux endroits au Japon et j’ai essayé d’apprendre des actions locales ou des activistes LGBTQ, par exemple. Comme vous l’avez remarqué, mon approche manque de perspective éco-féministe, notamment. Bien sûr, je peux apprendre en lisant des livres écrits par des universitaires féministes, mais je dois aussi me rendre dans les endroits où les problèmes se posent, où les gens manifestent et protestent, où je peux en apprendre davantage. Je suis souvent en position d’enseigner, et les occasions d’apprendre se font de plus en plus rares. Alors qu’il y a tant de choses que je dois apprendre sur le féminisme, l’anti-impérialisme… Je suis un universitaire masculin vivant à Tokyo, plutôt aisé. En tant que membre privilégié de la société, j’ai besoin d’autres perspectives.

     

    Notes 

    1.      Emanuele Leonardi, Décroissance et marxisme : la voie catalaneTerrestres, 6 janvier 2021. Voir également : Timothée Parrique et Giorgos Kallis, La décroissance : le socialisme sans la croissance,Terrestres, 18 février 2021 ; Giorgos Kallis et Giacomo d’Alisa, La Décroissance et l’État : une approcheGramscienne, Terrestres, 31 mai 2022. Kōhei Saitō est d’ailleurs invité comme keynote speaker à la conférence internationale sur la décroissance à Zagreb fin août 2023.[]

    2.     Version anglaise numérique (version papier prévue en avril) dont Romaric Godin a récemment rendu compte sur Mediapart ; quant à la version espagnole du « Capitaldans l’anthropocène » (« El Capital en la era del Antropoceno », Sine qua non, 2022), il s’agit d’une traduction littérale.[]

    3.     « Zero kara no Shihonron» (NHK editions), également un succès avec 150 000 exemplaires vendus en deux mois.[]

    4.    Voir Kōhei Saitō, La nature contre le capital. L’écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital(Syllepse, 2021), une analyse à la lumière des carnets de notes du Marx tardif portant notamment sur les sciences naturelles et l’agriculture, jusque-là peu étudiés. Comme bien résumé par  Romaric Godin (cit.), les livres II et III du Capital ont  été publiés par Engels à partir des notes de Marx, mais Engels  n’avait pas suivi l’évolution de la pensée de Marx. Si Marx  n’a pas achevé l’écriture du Capital, suggère Saitō,  c’est que ses nouvelles connaissances et idées ne lui permettaient plus d’arriver à une synthèse cohérente.[]

    5.     La Marx-Engels-Gesamtausgabe(MEGA) est la collection  académique et critique de tous les écrits de Karl Marx et  Friedrich Engels, comprenant aujourd’hui 65 volumes, sur 114 prévus. (https://marxforschung.de/mega%C2%B2/).[]

    6.    Saitō précise : « Par exemple Teinosuke Ōtani 大谷禎之介, célèbre pour la théorie des associations de Marx, Minoru Tabata 田畑稔 ou Ryūji Sasaki 佐々木隆治. »[]

    7.     Le terme anglais est « commodification », parfois utilisé tel quel en français.[]

    8.    Cette défense de l’État-providence européen peut sembler étonnante à un lecteur ou une lectrice européenne après plusieurs décennies de détricotage néolibéral. Ce qu’il en reste aujourd’hui est cependant encore incomparable à la situation au Japon. A noter que Saitō n’appelle pas pour autant à un retour d’un État fort, soit-il « providence », puisqu’à la suite de Marx il met en avant la notion d’association, et il reconnaît plus loin être proche des conceptions anarchistes. L’argument ici est l’importance d’avoir du temps et de la liberté hors des relations marchandes.[]

    9.    Sorte de bar-restaurant.[]

    10. Pour une très bonne synthèse des discussions actuelles au sein de cette communauté, voir Matthias Schmelzer, Andrea Vetter et Aaron Vansintjan (2022), The Future is Degrowth : A Guide to a World beyond Capitalism, Londres, Verso ou Timothée Parrique (2022), Ralentir ou périr. L’économie de la décroissance, Paris, Seuil.[]

    11.   Kōhei Saitō (2017), Karl Marx’s Ecosocialism: Capital, Nature, and the Unfinished Critique of Political Economy, New York, Monthly Review Press.[]

    12. Kōhei Saitō (avril 2023), Marx in the Anthropocene. Towards the Idea of Degrowth Communism, Cambridge, Cambridge University Press.[

    13. Michael Löwy, Bengi Akbulut, Sabrina Fernandes, Giorgos Kallis, Pour une décroissance écosocialiste,Terrestres, 6 octobre 2022.[]

    14. John Bellamy Foster est le rédacteur en chef de ce journal marxiste.[]

    15. Saitō reprend par exemple les arguments de Stefania Barca critiques des narratifs de l’Anthropocène, qui négligent le rôle spécifique du capitalisme dans l’exploitation continue des forces de reproduction et du travail non payé « des femmes, des paysans, des esclaves et des populations indigènes ».[]

    16. Les milieux d’affaires japonais étant effectivement composés d’une majorité d’hommes.[]

    17. Shūshoku hyōgaki, une période d’une vingtaine d’années à partir de l’éclatement de la bulle spéculative japonaise et jusqu’à la crise de 2008 (appelée « Lehman shock » au Japon).[]

    18. La théorie monétaire moderne (MMT en anglais) considère qu’une devise est créée par la puissance publique comme la seule qui permette de payer l’impôt, lui donnant ainsi de la valeur. Ainsi, un Etat ne peut pas faire faillite tant qu’il utilise sa monnaie souveraine, et il peut garantir l’accès à l’emploi en créant davantage de devises. L’assouplissement quantitatif (« quantitative easing », QE) s’inscrit dans la MMT et correspond à un taux d’intérêt à court terme de la Banque Centrale égal ou proche de zéro. Voir par exemple le site français faisant la promotion de cette théorie : https://mmt-france.org/.[]

    19.Junichirō Koizumi est une figure du Parti libéral démocrate (PLD), ancien Premier ministre (2001-2006).[]

    20.       Restauration rapide servant des bols de riz avec du bœuf et des oignons.[]

     

     https://lesmondesdutravail.net/entretien-avec-kohei-saito-le-capital-dans-lanthropocene-hitoshinsei-no-shihonron/

     

     

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    Un texte de Kohei Saito déjà traduit en français (2021)

     

     

     

     

     

    La théorie du métabolisme chez Marx à l’ère de la crise écologique mondiale 

    Marx’s theory of metabolism in the age of global ecological crisis

    Kohei Saito 

     

    Translated by Ernest Moret

    https://journals.openedition.org/traces/12425

     

    Télécharger « K.SAITO-2021-La théorie du métabolisme chez Marx à l’ère de la crise écologique mondiale.pdf »

     

    http://ekladata.com/jvGZN0vfrBtX9dzlazXpAMPUJ5M/K.SAITO-2021-La-theorie-du-metabolisme-chez-Marx-a-l-ere-de-la-crise-ecologique-mondiale.pdf

     

     

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    Voir aussi, un entretien plus ancien, en 2019:

     

    Télécharger « Kohei_Sato_Entretien_2019.pdf »

     

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    Récent: Entretien audio sur France Culture, le 24/09/2024:

     

     

     

    Dans quelle mesure le capitalisme contribue-t-il à l'aggravation de la crise climatique actuelle ? Comment Marx avait-il pressenti les contradictions inhérentes à ce système, notamment dans son rapport à l'environnement, à la nature et à l'écologie ?

    Avec  Kohei Saito Philosophe et professeur associé à l'Université de Tokyo 

     

    PODCAST FRANCE CULTURE: 

     

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/de-cause-a-effets-le-magazine-de-l-environnement/quand-le-capital-de-marx-s-invite-dans-l-anthropocene-3399310 

     

     

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    Les notices des livres de Kohei Saito et de John Bellamy Foster:

      

     

     

    Moins !  aux Éditions du Seuil

    Moins !
    La décroissance est une philosophie   
    Kohei Saito 

    Traduit par : Jean-Christophe Helary 

     

    Paru le 20/09/2024 

    Il fait de plus en plus chaud, on n’arrête pas de travailler, tout est transformé en marchandise.

    En quête de survie et de liberté, un jeune philosophe japonais, né en 1987, lit les carnets d’un vieux philosophe allemand, mort en 1883. Il y découvre une pensée qui aurait tout pour sauver le monde entier et la partage dans le livre que vous tenez entre vos mains. Rien de plus, tout au moins.

    S’appuyant sur les carnets tardifs inédits de Marx et voyant dans le pacte vert le nouvel opium des masses, Kohei Saito déconstruit le désastre social et écologique du capitalisme, dénonce le mode de vie des pays développés, et prône une société fondée sur les communs. Radical et urgent, cet essai fixe un objectif politique et civilisationnel apparemment incompatible : le communisme de décroissance. Il aspire à la transformation du travail, à la démocratisation du processus de production, à la démarchandisation progressive, et à la mise en valeur des services essentiels.

    Multiplier les espaces de liberté, miser sur les communs, l’autolimitation, la confiance et l’entraide, c’est dire si Kohei Saito assume sa responsabilité sociale et croit en ses lecteurs.

    Kohei Saito est docteur en philosophie de l’Université Humboldt de Berlin et professeur associé à l’Université de Tokyo. Il participe à l’édition des œuvres complètes de Marx et Engels (MEGA). En 2018, il est devenu le plus jeune lauréat du Deutscher Memorial Prize. Il est l’auteur de La nature contre le capital. L’écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital (Syllepse, 2021). À l’origine d’un débat inédit sur les changements climatiques au Japon, Moins ! La décroissance est une philosophie, déjàtraduit dans 12 pays, est un bestseller international.

    https://www.seuil.com/ouvrage/moins-kohei-saito/9782021544862

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    La nature contre le capital Mille Marxismes

    Livre. Kohei Saïto, «La nature contre le capital. L’écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital» 

     

    Par Jean-Pierre Boillat  

    En conclusion de son ouvrage, l’auteur affirme que «la nouvelle édition historique des œuvres de Marx, dite MEGA 2, permet de reconstituer le parcours dans lequel (…) Marx structure progressivement sa pensée écologique comme critique du capitalisme. (…) Elément constitutif de la critique de l’économie politique, sa théorie écologique peut de façon cohérente être déduite de sa théorie de la valeur, et logiquement, son projet socialiste inclut sans aucun doute possible la remise en état d’un métabolisme social et naturel gravement perturbé sous le capitalisme». 

    Trois chapitres structurent la première partie du livre, intitulée «Ecologie et économie». Dans le premier, l’auteur met au jour la conviction de Marx qu’il faut analyser «l’aliénation de la nature comme genèse de la modernité». Le sol devient une marchandise, les producteurs perdent tout lien avec la terre et sont séparés de leurs moyens de production d’origine. Ce tournant dans la relation de l’être humain à la terre permet de comprendre la spécificité du mode de production moderne. 

    Dans le chapitre consacré au métabolisme de l’économie politique, Kohei Saïto montre, au travers de l’analyse de différents textes de Marx, que la nature est bien la substance de toute richesse. Pourquoi? Parce que tout ce qui vit sur terre est obligé d’échanger avec son environnement. N’est-ce pas ce que l’on nomme aujourd’hui «écologie»? 

    A la fin du chapitre 3, intitulé «Le Capital comme théorie du métabolisme», l’auteur constate qu’aujourd’hui la mission historique du capitalisme, c’est-à-dire «le développement des forces productives», s’est réalisée. Une nouvelle étape doit être franchie dans le sens de la liberté et du développement des capacités humaines. Les écrits de Marx nous montrent que cette transition vers une nouvelle période de l’histoire de l’humanité ne peut s’effectuer automatiquement: elle requiert une théorie et une pratique socialistes. 

    Dans une deuxième partie, l’auteur analyse diverses polémiques que les écrits de Marx sur le thème de l’écologie ont suscitées. 

    Sganarelle, le personnage de comédie créé par Molière tire son nom du verbe italien «sganare», qui veut dire dessiller les yeux. En remettant à l’ordre du jour ces écrits de Marx, Kohei Saïto montre que leur auteur n’est pas ce productiviste prônant la maîtrise de la nature par les humains. Il nous aide à ouvrir les yeux et à imaginer une sortie du capitalisme dans lequel nous mijotons à feu plus ou moins doux. (Novembre 2021) 

     

    L’ouvrage, 350 pages, a été co-édité par les Editions Page 2 et Syllepse. Il est paru en juillet 2021. 

    https://www.syllepse.net/la-nature-contre-le-capital-_r_60_i_824.html 

     

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    Dans une recension de ce livre paru en France en 2021 Michael Löwy, bien qu'essentiellement rallié à la mouvance "écomarxiste" de Saito, souligne néanmoins la part de surinterprétation du travail de Saito par rapport à la réalité des écrits de Marx:

            EXTRAIT:

     

     

     

     

    Après 1868, en lisant un autre scientifique allemand, Carl Fraas, Marx découvrira aussi d’autres questions écologiques importantes, telles que la déforestation et le changement climatique local. Selon Saïto, si Marx avait pu achever les Livres 2 et 3 du Capital, il aurait davantage mis l’accent sur la crise écologique – ce qui signifie, au moins implicitement, que dans leur état actuel d’inachèvement, l’accent n’est pas suffisamment mis sur ces questions...

    Cela m’amène à mon principal désaccord avec Saïto : dans plusieurs passages de l’ouvrage, il affirme que pour Marx « la non-durabilité environnementale du capitalisme est la contradiction du système » (p. 142, souligné par l’auteur); ou qu’à la fin de sa vie, il en est venu à considérer la rupture métabolique comme « le problème le plus grave du capitalisme »; ou que le conflit avec les limites naturelles est, pour Marx, « la principale contradiction du mode de production capitaliste ».

    Je me demande où Saïto a trouvé dans les écrits de Marx de telles affirmations. Elles sont introuvables dans ses livres publiés, dans les manuscrits ou les carnets. Et cela pour une bonne raison : l’insoutenabilité écologique du système capitaliste n’était pas une question décisive au 19e siècle, comme elle l’est devenue aujourd’hui, ou plus précisément depuis 1945, lorsque la planète est entrée dans une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène. De plus, je crois que la rupture métabolique, ou le conflit avec les limites naturelles, n’est pas « un problème du capitalisme » ou une « contradiction du système » : c’est bien plus que cela ! C’est une contradiction entre le système et « les conditions naturelles éternelles » (Marx), et donc avec les conditions naturelles de la vie humaine sur la planète. En fait, comme l’affirme Paul Burkett (cité par Saïto), le capital peut continuer à s’accumuler dans n’importe quelles conditions naturelles, même dégradées, tant qu’il n’y a pas d’extinction complète de la vie humaine : la civilisation humaine peut disparaître avant que l’accumulation du capital ne devienne impossible...

    Saïto conclut son livre par une évaluation sobre qui me semble être un résumé très pertinent de la question : Le Capital reste un projet inachevé. Marx n’a pas répondu à toutes les questions ni prédit le monde d’aujourd’hui. 

     

     

    https://shs.cairn.info/revue-ecorev-2023-2-page-243

    Télécharger « SAITO_Recension_Michael_Löwy_la-nature-contre-le-capital-lecologie-de-marx-dans-sa-critique-inachevee-du-capital.pdf » 

     

     

     

     

     

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     Le livre de John Bellamy Foster:

     

    Marx écologiste Broché – 21 septembre 2011  

    de John Bellamy Foster  (Auteur),  & 3 plus

     


    Marx écologiste ? I'opinion courante est que Marx et le marxisme se situent du côté d'une modernité prométhéenne, anthropocentrée, qui ne considère la nature que pour mieux la dominer et l'exploiter, selon unc logique productiviste qui fut celle tant du capitalisme que du socialisme historiques. L'écologie, comme discipline scientifique et comme politique, aurait ainsi à se construire en rupture avec l'héritage marxiste ou, du moins, au mieux, en amendant considérablement celui-ci pour qu'il soit possible de lui adjoindre des préoccupations qui lui étaient fondamentalement étrangères. Qu'en est-il vraiment ? Dans Marx écologiste, John Bellamy Poster, textes à l'appui, montre que ces représentations constituent une radicale distorsion de la réalité : des textes de jeunesse aux écrits de la maturité, inspirés par les travaux de Charles Darwin et de Justus von Liebig, le grand chimiste allemand, fondateur de l'agriculture industrielle, Marx n'a jamais cessé de penser ensemble l'histoire naturelle et l'histoire humaine, dans une perspective qui préfigure les théories les plus contemporaines de la " coévolution ", et il a offert à la postérité une des critiques les plus vigoureuses de la rupture par le capitalisme de " l'interraction métabolique " entre la nature et les sociétés humaines. L'enjeu de ce retour à Marx dans une perpective écologique n'est pas de pure érudition ; il ne s'agit pas non plus de sauver une " idole ". S'il faut aujourd'hui tirer de l'oubli la tradition marxiste et socialiste de l'écologie politique, c'est que la perspective marxienne en la matière a une actualité brûlante : une des questions les plus urgentes de l'heure n'est-elle pas de savoir si la crise écologique est soluble dans le capitalisme ? 

    https://www.amazon.fr/Marx-%C3%A9cologiste-John-Bellamy-Foster/dp/2354800940 

     

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    L'original, disponible en PDF 

     

    http://digamo.free.fr/marxecolo.pdf 

     

    Marx's Ecology: Materialism and Nature Broché

    – 1 mars 2000  

    Édition en Anglais  de John Bellamy Foster  (Auteur) 




     

    Progress requires the conquest of nature. Or does it? This startling new account overturns conventional interpretations of Marx and in the process outlines a more rational approach to the current environmental crisis.
    Marx, it is often assumed, cared only about industrial growth and the development of economic forces. John Bellamy Foster examines Marx's neglected writings on capitalist agriculture and soil ecology, philosophical naturalism, and evolutionary theory. He shows that Marx, known as a powerful critic of capitalist society, was also deeply concerned with the changing human relationship to nature.
     Marx's Ecology covers many other thinkers, including Epicurus, Charles Darwin, Thomas Malthus, Ludwig Feuerbach, P. J. Proudhon, and William Paley.
    By reconstructing a materialist conception of nature and society, 
    Marx's Ecology challenges the spiritualism prevalent in the modern Green movement, pointing toward a method that offers more lasting and sustainable solutions to the ecological crisis. 

    https://www.amazon.fr/Marxs-Ecology-John-Bellamy-Foster/dp/1583670122

     

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    Pour aller + loin sur l'économie et la mutation banco-centraliste:

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       Un article pour comprendre l'évolution du capitalisme industriel sous les contraintes de la modernisation technologique au cours du XXème siècle, et avec la crise systémique qui a finalisé sa mutation vers le banco-centralisme, en 2007-2008, le développement de l'hégémonie banco-centraliste, encore accélérée depuis 2020...

     

    Le Roi « Capital » est mort,

    vive la Reine « Dette » !  

     

    http://cieldefrance.eklablog.com/le-roi-capital-est-mort-vive-la-reine-dette-a215991921

     

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    Sur l'histoire économique du Japon, qui a "anticipé"

    la crise à la fin du XXème siècle et servi de "modèle"

    pour la restructuration banco-centraliste

    de l'économie mondiale:

     

     

     

     

           Un article où Richard Werner, lui-même à l’origine du concept de "Quantitative Easing", décrit on ne peut mieux, à partir de son expérience personnelle d'économiste au Japon, l’évolution économique banco-centraliste de ce premier quart du XXIe siècle, jusqu’à la naissance actuelle des Monnaies Numériques de Banque Centrale et au danger fatidique pour les libertés, économiques, et les libertés tout court, qu’elles représentent :

     

    Richard Werner, "père spirituel"

    du Quantitative Easing

    et "apprenti sorcier" du banco-centralisme

     

    http://cieldefrance.eklablog.com/richard-werner-pere-spirituel-du-quantitative-easing-et-apprenti-sorci-a215699895

     

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     Egalement sur


    AgoraVox le média citoyen 

     

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    Sur l'actu récente, mais avec une approche critique

    et un nouveau récapitulatif des liens

    sur l'économie, la monnaie et le banco-centralisme à la suite:

     

    Michel Barnier, "European Judas' story" (Suite): l'analyse de Tatiana Ventôse 

    http://cieldefrance.eklablog.com/michel-barnier-european-judas-story-suite-l-analyse-de-tatiana-ventose-a216239917  

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    NOTES ET LIENS: 

     

     

      ( 1_ BHL, ancien élève d'Althusser et maoïste au tournant des années 70, revendique toujours un plaidoyer pour son « Maître », dans la préface publiée en Mai 2011, pour le recueil de lettres écrites par Louis Althusser à sa femme Hélène, assassinée par ce même « Maître » en 1980 : 

    « Je ne suis pas en train de dire de mon Maître, parodiant Diogène Laërce résumant lui-même un philosophe de l’Antiquité : « il naquit, il écrivit, il tua, il mourut ». 

    Mais, enfin, c’est tout de même ainsi que la chose a été vue, et vécue, par son temps. » 

    Et plus loin, cette réflexion hautement « philosophique » : 

    « On a dit qu’avec elle, Hélène, il aurait tué sa sœur, sa mère, le double de l’une, le spectre de l’autre, une part de soi-même, la meilleure. 

    On a pu dire qu’il avait, en lui, tué l’origine (faut-il écrire l’origyne ?) ; la différence (la différance, comme chez l’autre maître de la rue d’Ulm ?) ; on a dit qu’il avait tué le communisme auprès de lui (ou réconcilié, ce qui revient au même, l’idée d’Hélène et sa réalité). »  

    A rappeler également que Louis Althusser, protégé par ses « pairs » universitaires, n'a pas passé une seule journée de sa vie en prison... 

    EXTRAITS DE : 

    « Qui a peur du XXIe siècle ? (Questions de principe, XIII) »  Bernard-Henri Lévy (Ed. Hachette)

     

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     ( 2_  Lectures de Marx par la Nouvelle gauche en 1968

           https://esprit.presse.fr/article/dick-howard/lectures-de-marx-par-la-nouvelle-gauche-en-1968-41453

     Télécharger « Lectures de Marx par la Nouvelle gauche en 1968.pdf »

    http://ekladata.com/0fkYn9sK_z5atyzwFHoOzcm0ESY/Lectures-de-Marx-par-la-Nouvelle-gauche-en-1968.pdf

    Voir aussi:   https://www.contretemps.eu/entretien-michael-lowy-jeune-marx-revolution/  )

     

      (  3_   « Le double Marx », par Robert Kurz

    http://www.palim-psao.fr/article-le-double-marx-par-robert-kurz-120538666.html

    Télécharger « Le double Marx - Robert Kurz.2010.pdf »

    http://ekladata.com/dfbK6my9kmFJIVqDKwmorqLIvDg/Le-double-Marx-Robert-Kurz.2010.pdf  )

     

      (  4_  Ce que montre Marx en son temps, celui de la constitution de l'industrie et du prolétariat industriel productif en voie d'expansion, c'est la possibilité pour ce prolétariat industriel de se constituer en classe dominante pour mettre fin au capitalisme. C'est ce qu'il appelle la dictature du prolétariat. Mais c'est donc une possibilité contingente à l'action politique consciente du prolétariat industriel, et non pas  à l'évolution du capitalisme par elle-même, qui rencontre néanmoins nécessairement sa limite intrinsèque (Cf Grundrisse), indépendamment de l'évolution politique consciente ou non du prolétariat.

    Mais par contre, ce qui est mal compris ainsi, c'est qu'à la suite de son apogée, le déclin et la fin du capitalisme, n'entraînent pas du tout "automatiquement" la fin du système de domination de classe: seulement celle de la bourgeoisie capitaliste "classique". L'apogée du capitalisme "classique" est aussi celui du prolétariat industriel (en France, au tournant des années 70). Sur la phase de déclin, le prolétariat industriel, de plus en plus réduit, a de moins en moins de possibilités d'intervention politique comme classe en soi, et à terme, quasiment plus du tout. C'est la phase de mutation banco-centraliste dans laquelle nous sommes entrés avec le XXIème siècle, et singulièrement, la crise de 2007-2008.

    Autant parler du "Jeune Marx", comme le fait Michel Löwy, sans parler de la dictature du prolétariat est complètement creux, autant vouloir confondre aujourd'hui "classe ouvrière" et prolétariat au sens marxiste du terme, comme le font encore "Révolution Permanente" et d'autres groupuscules pseudo-"marxistes" est tout aussi complètement creux et déconnecté de la réalité de notre époque: https://www.revolutionpermanente.fr/La-theorie-de-la-revolution-chez-le-jeune-Marx-Michael-Lowy )

     

      ( 5_  Paradoxe et suspense économique en 2021:  le Capital atteindra-t-il, ou non, le Nirvana  par la Dette Mondiale?

          http://interfrsituation.eklablog.com/paradoxe-et-suspense-economique-en-2021-le-capital-atteindra-t-il-ou-n-a209197288  )

     

      (  6_  Le Roi « Capital » est mort, vive la Reine « Dette » !

     https://cieldefrance.eklablog.com/le-roi-capital-est-mort-vive-la-reine-dette-a215991921  )

     

      (  7_  Emergence entropique de la gravité: une des bases essentielles de l'évolution universelle

       https://cieldefrance.eklablog.com/emergence-entropique-de-la-gravite-une-des-bases-essentielles-de-l-evo-a215278521 

     

    Big Bang ! Et ensuite ? …Bip ! Bip ! …Clic ! Clic ! …Boum ! Boum ! …Couic !!! …Nous étions donc de passage, frères humains, mais peut-être pas tout à fait par hasard…  

    https://cieldefrance.eklablog.com/big-bang-et-ensuite-bip-bip-clic-clic-boum-boum-couic-nous-etions-donc-a215284747  )

     

     

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    Une page d'accueil d'un site archivé mais qui conserve

    les liens vers les textes de Marx accessibles en ligne:

    Contre le pseudo-« marxisme » universitaire et groupusculaire,

    en revenir à l’original! – ArchivMARX

    https://archivmarx.wordpress.com/2023/01/10/contre-le-pseudo-marxisme-universitaire-et-groupusculaire-en-revenir-a-loriginal/

    (Actuellement ce site republie également des articles de Ciel de France)

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    Source de l’article et de la compilation :

    https://cieldefrance.eklablog.com/recyclage-le-marxisme-vert-thunbergien-de-kohei-saito-un-revisionnisme-a216259369

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    « "Impossible n'est pas français": 3 230 Milliards, la dette publique gonfle encore!Le syndrome de la pastèque génétiquement modifiée, nouvelle maladie de la gauche systémique pourrissante »

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