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Y a-t-il eu une "coupure épistémologique écologiste" dans l'oeuvre d'un Karl Marx "vieillissant", dès 1868, peu après la parution du Livre I du Capital, le seul réellement complété du vivant de Marx et par Marx lui-même?
C'est la "thèse" du Japonais Kohei Saito, qui lui vaut la "réussite", au moins commerciale, d'un "best-seller" sur le sujet...
Au XXIème siècle, faire rapidement 500 000 exemplaires vendus en parlant de Marx, tel est le tour de force apparent de ce jeune auteur, combinaison adroite du vieux mythe de l'"intellectuel de gauche marxisant" et du militant écologiste à la pointe du combat à la mode, n'hésitant pas à faire de Greta Thunberg une de ses "références" obligées et commode pour se situer sur le marché de la "pensée" contemporaine...
A noter et à rappeler que la mode des "coupures épistémologiques chez Marx" est un phénomène récurrent chez les "intellectuels de gauche", incapables, donc, pour la plupart d'entre eux, d'appréhender son oeuvre dans son ensemble, de manière dialectique, c'est à dire, en fait, réellement ...marxiste!
Le plus célèbre d'entre eux, tout étant décidément très relatif, étant évidemment Louis Althusser, qui, avant de finir en assassin de sa femme (1), avait déjà tronçonné le corps de l'oeuvre de Marx en trois où quatre "coupures" dont la principale séparait ses oeuvres de "jeunesse" du reste, pour arriver à une "maturité" convenable pour cet "érudit", prophète de sa génération de pseudos-"marxistes", et dont BHL reste l'un de ses adeptes d'outre-tombe. (1)
A l'inverse, à la même époque, une partie de la "nouvelle gauche" gauchisante des années 60-70 "redécouvrait" les oeuvres de jeunesse de Marx pour tenter d'en faire son "miel idéologique"... (2) Le "jeunot-marxisme", une mode intellectuelle de la génération suivante, rapport à celle d'Althusser, et qui a aussi finit par trouver son prophète, en la personne de Michael Löwy (2), ce qui ne nous rajeunit donc pas pour autant, et malheureusement surtout pas en termes de mode de pensée, même si ce vieux "jeunot-marxisme" rejoint précisément le "marxisme vert thunbergien" de Kohei Saito, histoire de profiter du "vent nouveau", même s'il reste, pour l'essentiel, ...du vent!
Plus récemment, dans les années 80-90, et en "parallèle", si l'on peut dire, mais dans une géométrie idéologique non euclidienne où les "parallèles" finissent par se "croiser", le courant polymorphe de la "Wertkritik" découvrait "deux Marx en un", tout au long de son oeuvre, opérant ainsi, pour les besoins de leur cause, une "coupure épistémologique longitudinale" entre Marx et son "double ésotérique" (3) au fil de cette oeuvre monumentale, effectivement inachevée.
Ce dernier point, concernant l'inachèvement de l'oeuvre de Marx, étant le seul point réel authentique commun à tous ces "exégètes", mais qui se rêvent donc en "continuateurs", "prolongateurs", et/où en "rénovateurs" de l'oeuvre de Marx, chacun apportant son petit sandwich idéologique dans cette nouvelle "auberge espagnole" de la "pensée" gauchisante pseudo-"marxiste" du XXIème siècle.
Marx était il "productiviste" ou "écologiste"? Plutôt "rouge" ou plutôt "vert"? Le "débat" fait rage dans le microcosme hétéroclite d'une gauche "alternative" peau-de-chagrin qui se voit rétrécie de jour en jour, à l'ombre de sa grande sœur bureaucratique archi vieillissante, sinon carrément croulante, et qui n'en finit pas de se "refaire une jeunesse" à grands coups de sigles ronflants, eux-mêmes gonflés par le vent de leurs chimériques "promesses électorales".
A sa façon, Kohei Saito apporte une "réponse" à l'incapacité de la gauche à satisfaire les revendications populaires: "produire plus", pour répondre aux besoins, ou "produire moins", pour "sauver la planète", mais sans doute pas une grande partie de ses habitants, déjà dans la misère...? "Produire moins!" répond Saito sans ambages...
Le tour de force, c'est qu'il arrive néanmoins ainsi, et même au delà des cercles bobos-écolos, à se faire adouber par une grande partie de la gauche bureaucratique, et notamment par la prétendue "France Insoumise" de Jean-Luc Mélenchon!
Mais pas que... La grande presse et les grands relais médiatiques "officiels" du système font également chorus pour promouvoir Saito, en lui donnant même en plus un parfum de "subversion" dont il a en réalité bien besoin pour "valoriser" sa nouvelle camelote idéologique pseudo-"marxiste"...
Est-il pour autant nécessaire de tomber dans le panneau de son "best-seller" pour aller voir ce qu'il y a sous le vernis "rouge/vert" de sa présentation? Le cas Kohei Sato n'est pas tout à fait de la dernière pluie, et il a laissé suffisamment de traces depuis sa première thèse pour que l'on puisse voir où il veut nous mener, et ce qui apparaît de plus en plus clairement si l'on prête attention à ses récentes interventions médiatiques, dont nous avons donc choisi de republier ici quelques échantillons.
Comme on peut le comprendre en l'écoutant attentivement et en analysant ses textes et ses interviews déjà accessibles sur le net, s'il s'adresse à un public à priori "de gauche", se réclamant même de l'"anticapitalisme", public qui constitue son fond de commerce, il commence donc par lui servir de l'"anticapitalisme" de bon ton et à toutes les sauces, mais en prenant bien garde d'éviter la case "révolution" qui lui aliénerait ses sponsors médiatiques systémiques, que ce soit en Europe ou au Japon...
De l'"anticapitalisme" on passe donc directement au "post-capitalisme", avec la promotion de diverses initiatives pseudo-"écologiques" systémiques, y incluant, par exemple, chez nous, celles de ...la Mairie de Paris!
Ce que sous-entend ce verbiage propagandiste gauchisant au service du système c'est donc en réalité assez explicitement que le "post-capitalisme" est déjà là et qu'il est "appelé" grâce à ses différents thuriféraires, dont Saito lui-même, à remplacer "progressivement" les restes du capitalisme déjà failli, et qui n'existe plus comme "ennemi du peuple" que dans la logorrhée, précisément, de ses "camarades" pseudo-"marxistes" de tous poils, mais dont le système a tout aussi besoin pour détourner les regards et la conscience populaire hors du champ de manoeuvres de sa mutation banco-centraliste en cours depuis la crise systémique de 2007-2008, et qui a pris un coup d'accélération particulièrement brutal avec la dite "crise du covid", en réalité la première crise systémique de la nouvelle économie banco-centraliste mondialisée.
Ce qui est remarquable et bien tout à fait caractéristique c'est que le discours de Saito sur le "post-capitalisme" en réalité déjà là, de son propre aveu, rejoint, ou plutôt "croise" donc la trajectoire du discours "parallèle" de la Wertkritik, encore plus lucide, en un sens, sur ce point, tout en prenant bien garde, pour autant, de se cantonner dans le verbiage pseudo-"marxiste" de son propre cru:
( Le texte cité ci-dessous est extrait d'un entretien entre Nicolas Basset et Clément Homs, sur le site français de la Wertkritik. Les parties en rouge et soulignées le sont par nous, Ciel de France. Ce passage, qui date donc déjà de fin 2015, en fait, est d'autant plus remarquable en ce qui concerne quelques unes des caractéristiques essentielles du banco-centralisme, dénommé par Homs "capitalisme inversé", ce qui est évidemment un non-sens, sauf précisément à comprendre la mutation banco-centraliste en cours du système de domination de classe!)
Par AFP le 25 Sep. 2024 à 03h00 (TU) Mis à jour le 25 Sep. 2024 à 10h32 (TU)
Kohei Saito, professeur de philosophie à l'Université de Tokyo, dans une forêt à l’ouest de la métropole de Tokyo, le 9 juillet 2024 AFP/Archives Philip FONG
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Et si Karl Marx, au bout de sa réflexion, avait conclu que la seule issue était de sortir du capitalisme et décroître? C'est la thèse surprenante du philosophe japonais Kohei Saito, dans un livre à succès enfin traduit en français.
"Moins! La décroissance est une philosophie" est le titre choisi par les éditions du Seuil pour cet essai paru en japonais en septembre 2020, traduit en anglais en janvier 2024.
Un succès inattendu dans l'archipel: 500.000 exemplaires, avec sur la couverture le titre en allemand, "Das Kapital im Anthropozän" ("Le Capital dans l'anthropocène").
Lors de ses séances de dédicace, le chercheur de 37 ans utilise un tampon qui le fait apparaître aux côtés du célèbre philosophe allemand à barbe blanche. Pour détendre l'atmosphère, explique Kohei Saito, venu promouvoir l'ouvrage à Paris, car "la philosophie, le marxisme, ce sont des sujets un peu lourds".
L'essai est très accessible. Il explique pas à pas les concepts complexes, les événements historiques oubliés ou les auteurs méconnus, et il puise ses exemples dans notre vie quotidienne.
Tout est parti de sa participation aux travaux de l'édition complète des écrits de Marx et Engels (MEGA, Marx-Engels-Gesamtausgabe). Kohei Saito est chargé de centaines de pages de notes de Marx sur les sciences naturelles. Il y découvre un penseur de plus en plus préoccupé, dans les années 1860-1870, par la surexploitation des ressources de la planète.
"Exiger un changement"
L'intuition du Japonais est que "Le Capital", dont le premier tome est publié en 1867, n'a jamais pu être achevé avant la mort de Marx en 1883, parce qu'il nécessitait une réorientation drastique. Friedrich Engels publia les tomes II et III sans prendre ce tournant.
Photo datant de 1875 du philosophe allemand Karl Marx
"Moins!" offre un plaidoyer pour le "communisme décroissant". Ce système redonnerait à la collectivité la propriété des biens communs, comme l'eau, l'électricité, les transports, etc. Et il supprimerait des activités économiques superflues comme le marketing ou l'échange de produits financiers dérivés, pour empêcher la catastrophe climatique inéluctable avec nos émissions de CO2.
On pense à Marie Kondo, autre Japonaise de la même génération qui a gagné une audience mondiale. Sa philosophie du rangement incite à ne garder que ce qui "procure de la joie".
Celle de Kohei Saito nous exhorte à travailler moins et à cesser de considérer le prix des choses, au profit de leur véritable valeur, la "valeur d'usage".
"Je remets en cause le système de production", lance-t-il. "Si vous réduisez le plastique que vous consommez au quotidien, le problème global de cette production de plastique, ou l'utilisation d'énergies fossiles pour commencer, ne change en rien".
"Il faut exiger un changement de système, si vous culpabilisez par rapport à ça", ajoute-t-il.
"Le capitalisme va stagner"
L'auteur donne comme exemples la militante suédoise Greta Thunberg, la Convention citoyenne pour le climat en France ou les initiatives écologiques de la municipalité de Barcelone.
Il évite un mot qu'on associe systématiquement au marxisme, révolution. "C'est un choix conscient", car au Japon, souligne-t-il, "nous ne jetons pas de pierres sur la police quand nous manifestons, nous ne brûlons pas de voitures".
Mais c'est bien un tournant radical que prône Kohei Saito, pas celui d'une "croissance verte" ou d'un "écosocialisme" sous des gouvernements de gauche. Au contraire: réaliser un modèle de société que Marx n'a pas eu le temps de dessiner, lui qui à la fin de sa vie était fasciné par les communautés agraires médiévales de sa région natale en Allemagne, les "Markgenossenschaften".
Le projet est pointu, et la résistance du capitalisme à son propre effacement risque d'être impitoyable. Kohei Saito y croit, "politiquement optimiste".
"Dans les 20 prochaines années peut-être, je pense que la situation va empirer. Le capitalisme va stagner, il y aura plus d'inégalités", parie-t-il. "Je pense que nous sommes à un moment de bifurcation. Le fascisme, ou le communisme de décroissance".
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Kohei Saito chez Mélenchon... (Institut La Boétie)
L'Institut La Boétie est un think tank français créé le 21 octobre 2019 par le conseiller d’État Bernard Pignerol1. Affilié au parti politique français La France insoumise, il est actuellement co-présidé par Jean-Luc Mélenchon et Clémence Guetté2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Institut_La_Bo%C3%A9tie_(2020)
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Les paroles volent, les écrits restent: entretien avec Kohei Saito
Un texte de Kohei Saito déjà traduit en français (2021)
La théorie du métabolisme chez Marx à l’ère de la crise écologique mondiale
Marx’s theory of metabolism in the age of global ecological crisis
Kohei Saito
Translated by Ernest Moret
https://journals.openedition.org/traces/12425
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Voir aussi, un entretien plus ancien, en 2019:
Télécharger « Kohei_Sato_Entretien_2019.pdf »
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Récent: Entretien audio sur France Culture, le 24/09/2024:
Dans quelle mesure le capitalisme contribue-t-il à l'aggravation de la crise climatique actuelle ? Comment Marx avait-il pressenti les contradictions inhérentes à ce système, notamment dans son rapport à l'environnement, à la nature et à l'écologie ?
Avec Kohei Saito Philosophe et professeur associé à l'Université de Tokyo
PODCAST FRANCE CULTURE:
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Les notices des livres de Kohei Saito et de John Bellamy Foster:
Paru le 20/09/2024
Il fait de plus en plus chaud, on n’arrête pas de travailler, tout est transformé en marchandise.
En quête de survie et de liberté, un jeune philosophe japonais, né en 1987, lit les carnets d’un vieux philosophe allemand, mort en 1883. Il y découvre une pensée qui aurait tout pour sauver le monde entier et la partage dans le livre que vous tenez entre vos mains. Rien de plus, tout au moins.
S’appuyant sur les carnets tardifs inédits de Marx et voyant dans le pacte vert le nouvel opium des masses, Kohei Saito déconstruit le désastre social et écologique du capitalisme, dénonce le mode de vie des pays développés, et prône une société fondée sur les communs. Radical et urgent, cet essai fixe un objectif politique et civilisationnel apparemment incompatible : le communisme de décroissance. Il aspire à la transformation du travail, à la démocratisation du processus de production, à la démarchandisation progressive, et à la mise en valeur des services essentiels.
Multiplier les espaces de liberté, miser sur les communs, l’autolimitation, la confiance et l’entraide, c’est dire si Kohei Saito assume sa responsabilité sociale et croit en ses lecteurs.
Kohei Saito est docteur en philosophie de l’Université Humboldt de Berlin et professeur associé à l’Université de Tokyo. Il participe à l’édition des œuvres complètes de Marx et Engels (MEGA). En 2018, il est devenu le plus jeune lauréat du Deutscher Memorial Prize. Il est l’auteur de La nature contre le capital. L’écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital (Syllepse, 2021). À l’origine d’un débat inédit sur les changements climatiques au Japon, Moins ! La décroissance est une philosophie, déjàtraduit dans 12 pays, est un bestseller international.
https://www.seuil.com/ouvrage/moins-kohei-saito/9782021544862
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Livre. Kohei Saïto, «La nature contre le capital. L’écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital»
Par Jean-Pierre Boillat
En conclusion de son ouvrage, l’auteur affirme que «la nouvelle édition historique des œuvres de Marx, dite MEGA 2, permet de reconstituer le parcours dans lequel (…) Marx structure progressivement sa pensée écologique comme critique du capitalisme. (…) Elément constitutif de la critique de l’économie politique, sa théorie écologique peut de façon cohérente être déduite de sa théorie de la valeur, et logiquement, son projet socialiste inclut sans aucun doute possible la remise en état d’un métabolisme social et naturel gravement perturbé sous le capitalisme».
Trois chapitres structurent la première partie du livre, intitulée «Ecologie et économie». Dans le premier, l’auteur met au jour la conviction de Marx qu’il faut analyser «l’aliénation de la nature comme genèse de la modernité». Le sol devient une marchandise, les producteurs perdent tout lien avec la terre et sont séparés de leurs moyens de production d’origine. Ce tournant dans la relation de l’être humain à la terre permet de comprendre la spécificité du mode de production moderne.
Dans le chapitre consacré au métabolisme de l’économie politique, Kohei Saïto montre, au travers de l’analyse de différents textes de Marx, que la nature est bien la substance de toute richesse. Pourquoi? Parce que tout ce qui vit sur terre est obligé d’échanger avec son environnement. N’est-ce pas ce que l’on nomme aujourd’hui «écologie»?
A la fin du chapitre 3, intitulé «Le Capital comme théorie du métabolisme», l’auteur constate qu’aujourd’hui la mission historique du capitalisme, c’est-à-dire «le développement des forces productives», s’est réalisée. Une nouvelle étape doit être franchie dans le sens de la liberté et du développement des capacités humaines. Les écrits de Marx nous montrent que cette transition vers une nouvelle période de l’histoire de l’humanité ne peut s’effectuer automatiquement: elle requiert une théorie et une pratique socialistes.
Dans une deuxième partie, l’auteur analyse diverses polémiques que les écrits de Marx sur le thème de l’écologie ont suscitées.
Sganarelle, le personnage de comédie créé par Molière tire son nom du verbe italien «sganare», qui veut dire dessiller les yeux. En remettant à l’ordre du jour ces écrits de Marx, Kohei Saïto montre que leur auteur n’est pas ce productiviste prônant la maîtrise de la nature par les humains. Il nous aide à ouvrir les yeux et à imaginer une sortie du capitalisme dans lequel nous mijotons à feu plus ou moins doux. (Novembre 2021)
L’ouvrage, 350 pages, a été co-édité par les Editions Page 2 et Syllepse. Il est paru en juillet 2021.
https://www.syllepse.net/la-nature-contre-le-capital-_r_60_i_824.html
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Dans une recension de ce livre paru en France en 2021 Michael Löwy, bien qu'essentiellement rallié à la mouvance "écomarxiste" de Saito, souligne néanmoins la part de surinterprétation du travail de Saito par rapport à la réalité des écrits de Marx:
EXTRAIT:
Après 1868, en lisant un autre scientifique allemand, Carl Fraas, Marx découvrira aussi d’autres questions écologiques importantes, telles que la déforestation et le changement climatique local. Selon Saïto, si Marx avait pu achever les Livres 2 et 3 du Capital, il aurait davantage mis l’accent sur la crise écologique – ce qui signifie, au moins implicitement, que dans leur état actuel d’inachèvement, l’accent n’est pas suffisamment mis sur ces questions...
Cela m’amène à mon principal désaccord avec Saïto : dans plusieurs passages de l’ouvrage, il affirme que pour Marx « la non-durabilité environnementale du capitalisme est la contradiction du système » (p. 142, souligné par l’auteur); ou qu’à la fin de sa vie, il en est venu à considérer la rupture métabolique comme « le problème le plus grave du capitalisme »; ou que le conflit avec les limites naturelles est, pour Marx, « la principale contradiction du mode de production capitaliste ».
Je me demande où Saïto a trouvé dans les écrits de Marx de telles affirmations. Elles sont introuvables dans ses livres publiés, dans les manuscrits ou les carnets. Et cela pour une bonne raison : l’insoutenabilité écologique du système capitaliste n’était pas une question décisive au 19e siècle, comme elle l’est devenue aujourd’hui, ou plus précisément depuis 1945, lorsque la planète est entrée dans une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène. De plus, je crois que la rupture métabolique, ou le conflit avec les limites naturelles, n’est pas « un problème du capitalisme » ou une « contradiction du système » : c’est bien plus que cela ! C’est une contradiction entre le système et « les conditions naturelles éternelles » (Marx), et donc avec les conditions naturelles de la vie humaine sur la planète. En fait, comme l’affirme Paul Burkett (cité par Saïto), le capital peut continuer à s’accumuler dans n’importe quelles conditions naturelles, même dégradées, tant qu’il n’y a pas d’extinction complète de la vie humaine : la civilisation humaine peut disparaître avant que l’accumulation du capital ne devienne impossible...
Saïto conclut son livre par une évaluation sobre qui me semble être un résumé très pertinent de la question : Le Capital reste un projet inachevé. Marx n’a pas répondu à toutes les questions ni prédit le monde d’aujourd’hui.
https://shs.cairn.info/revue-ecorev-2023-2-page-243
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Le livre de John Bellamy Foster:
Marx écologiste Broché – 21 septembre 2011
de John Bellamy Foster (Auteur), & 3 plus
Marx écologiste ? I'opinion courante est que Marx et le marxisme se situent du côté d'une modernité prométhéenne, anthropocentrée, qui ne considère la nature que pour mieux la dominer et l'exploiter, selon unc logique productiviste qui fut celle tant du capitalisme que du socialisme historiques. L'écologie, comme discipline scientifique et comme politique, aurait ainsi à se construire en rupture avec l'héritage marxiste ou, du moins, au mieux, en amendant considérablement celui-ci pour qu'il soit possible de lui adjoindre des préoccupations qui lui étaient fondamentalement étrangères. Qu'en est-il vraiment ? Dans Marx écologiste, John Bellamy Poster, textes à l'appui, montre que ces représentations constituent une radicale distorsion de la réalité : des textes de jeunesse aux écrits de la maturité, inspirés par les travaux de Charles Darwin et de Justus von Liebig, le grand chimiste allemand, fondateur de l'agriculture industrielle, Marx n'a jamais cessé de penser ensemble l'histoire naturelle et l'histoire humaine, dans une perspective qui préfigure les théories les plus contemporaines de la " coévolution ", et il a offert à la postérité une des critiques les plus vigoureuses de la rupture par le capitalisme de " l'interraction métabolique " entre la nature et les sociétés humaines. L'enjeu de ce retour à Marx dans une perpective écologique n'est pas de pure érudition ; il ne s'agit pas non plus de sauver une " idole ". S'il faut aujourd'hui tirer de l'oubli la tradition marxiste et socialiste de l'écologie politique, c'est que la perspective marxienne en la matière a une actualité brûlante : une des questions les plus urgentes de l'heure n'est-elle pas de savoir si la crise écologique est soluble dans le capitalisme ?
https://www.amazon.fr/Marx-%C3%A9cologiste-John-Bellamy-Foster/dp/2354800940
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L'original, disponible en PDF
http://digamo.free.fr/marxecolo.pdf
Marx's Ecology: Materialism and Nature Broché
– 1 mars 2000
Édition en Anglais de John Bellamy Foster (Auteur)
Progress requires the conquest of nature. Or does it? This startling new account overturns conventional interpretations of Marx and in the process outlines a more rational approach to the current environmental crisis.
Marx, it is often assumed, cared only about industrial growth and the development of economic forces. John Bellamy Foster examines Marx's neglected writings on capitalist agriculture and soil ecology, philosophical naturalism, and evolutionary theory. He shows that Marx, known as a powerful critic of capitalist society, was also deeply concerned with the changing human relationship to nature.
Marx's Ecology covers many other thinkers, including Epicurus, Charles Darwin, Thomas Malthus, Ludwig Feuerbach, P. J. Proudhon, and William Paley.
By reconstructing a materialist conception of nature and society, Marx's Ecology challenges the spiritualism prevalent in the modern Green movement, pointing toward a method that offers more lasting and sustainable solutions to the ecological crisis.
https://www.amazon.fr/Marxs-Ecology-John-Bellamy-Foster/dp/1583670122
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Pour aller + loin sur l'économie et la mutation banco-centraliste:
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Sur l'histoire économique du Japon, qui a "anticipé"
la crise à la fin du XXème siècle et servi de "modèle"
pour la restructuration banco-centraliste
de l'économie mondiale:
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NOTES ET LIENS:
( 1_ BHL, ancien élève d'Althusser et maoïste au tournant des années 70, revendique toujours un plaidoyer pour son « Maître », dans la préface publiée en Mai 2011, pour le recueil de lettres écrites par Louis Althusser à sa femme Hélène, assassinée par ce même « Maître » en 1980 :
« Je ne suis pas en train de dire de mon Maître, parodiant Diogène Laërce résumant lui-même un philosophe de l’Antiquité : « il naquit, il écrivit, il tua, il mourut ».
Mais, enfin, c’est tout de même ainsi que la chose a été vue, et vécue, par son temps. »
Et plus loin, cette réflexion hautement « philosophique » :
« On a dit qu’avec elle, Hélène, il aurait tué sa sœur, sa mère, le double de l’une, le spectre de l’autre, une part de soi-même, la meilleure.
On a pu dire qu’il avait, en lui, tué l’origine (faut-il écrire l’origyne ?) ; la différence (la différance, comme chez l’autre maître de la rue d’Ulm ?) ; on a dit qu’il avait tué le communisme auprès de lui (ou réconcilié, ce qui revient au même, l’idée d’Hélène et sa réalité). »
A rappeler également que Louis Althusser, protégé par ses « pairs » universitaires, n'a pas passé une seule journée de sa vie en prison...
EXTRAITS DE :
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( 2_ Lectures de Marx par la Nouvelle gauche en 1968
https://esprit.presse.fr/article/dick-howard/lectures-de-marx-par-la-nouvelle-gauche-en-1968-41453
Télécharger « Lectures de Marx par la Nouvelle gauche en 1968.pdf »
http://ekladata.com/0fkYn9sK_z5atyzwFHoOzcm0ESY/Lectures-de-Marx-par-la-Nouvelle-gauche-en-1968.pdf
Voir aussi: https://www.contretemps.eu/entretien-michael-lowy-jeune-marx-revolution/ )
( 3_ « Le double Marx », par Robert Kurz
http://www.palim-psao.fr/article-le-double-marx-par-robert-kurz-120538666.html
Télécharger « Le double Marx - Robert Kurz.2010.pdf »
http://ekladata.com/dfbK6my9kmFJIVqDKwmorqLIvDg/Le-double-Marx-Robert-Kurz.2010.pdf )
( 4_ Ce que montre Marx en son temps, celui de la constitution de l'industrie et du prolétariat industriel productif en voie d'expansion, c'est la possibilité pour ce prolétariat industriel de se constituer en classe dominante pour mettre fin au capitalisme. C'est ce qu'il appelle la dictature du prolétariat. Mais c'est donc une possibilité contingente à l'action politique consciente du prolétariat industriel, et non pas à l'évolution du capitalisme par elle-même, qui rencontre néanmoins nécessairement sa limite intrinsèque (Cf Grundrisse), indépendamment de l'évolution politique consciente ou non du prolétariat.
Mais par contre, ce qui est mal compris ainsi, c'est qu'à la suite de son apogée, le déclin et la fin du capitalisme, n'entraînent pas du tout "automatiquement" la fin du système de domination de classe: seulement celle de la bourgeoisie capitaliste "classique". L'apogée du capitalisme "classique" est aussi celui du prolétariat industriel (en France, au tournant des années 70). Sur la phase de déclin, le prolétariat industriel, de plus en plus réduit, a de moins en moins de possibilités d'intervention politique comme classe en soi, et à terme, quasiment plus du tout. C'est la phase de mutation banco-centraliste dans laquelle nous sommes entrés avec le XXIème siècle, et singulièrement, la crise de 2007-2008.
Autant parler du "Jeune Marx", comme le fait Michel Löwy, sans parler de la dictature du prolétariat est complètement creux, autant vouloir confondre aujourd'hui "classe ouvrière" et prolétariat au sens marxiste du terme, comme le font encore "Révolution Permanente" et d'autres groupuscules pseudo-"marxistes" est tout aussi complètement creux et déconnecté de la réalité de notre époque: https://www.revolutionpermanente.fr/La-theorie-de-la-revolution-chez-le-jeune-Marx-Michael-Lowy )
( 6_ Le Roi « Capital » est mort, vive la Reine « Dette » !
https://cieldefrance.eklablog.com/le-roi-capital-est-mort-vive-la-reine-dette-a215991921 )
( 7_ Emergence entropique de la gravité: une des bases essentielles de l'évolution universelle
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Une page d'accueil d'un site archivé mais qui conserve
les liens vers les textes de Marx accessibles en ligne:
Contre le pseudo-« marxisme » universitaire et groupusculaire,
en revenir à l’original! – ArchivMARX
(Actuellement ce site republie également des articles de Ciel de France)
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Source de l’article et de la compilation :
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